Hergé ou le retour de l'Indien

Le soir, avant d’éteindre la lumière, les parents lisent parfois un livre à leurs marmots. Si le livre est illustré, les jeunes auditeurs auront vu les images et ils auront ainsi été guidés dans leur conception de l’univers visuel de l’histoire. Ces lectures du soir sont parfois des découvertes : lues pour la première fois, elles deviennent un nouveau terrain de jeu pour leur imagination. Mais d’autres fois, ce sont des lectures qui ont déjà été faites d’innombrables fois parce que le gamin est friand de l’histoire et la redemande soir après soir, inlassablement, pour revivre tel ou tel passage merveilleux ou effrayant, pour se mettre une fois de plus dans la peau d’un personnage ou d’un autre, ou pour rire à nouveau de son lecteur qui, à tel ou tel moment, fera assurément telle grimace ou prendra tel ton !

Hergé ou le retour de l’Indien s’inscrit à sa manière dans cette catégorie de lectures où le récipiendaire n’est pas exactement le lecteur lui-même. Quand on lit cet essai, on « écoute » en réalité l’auteur Pierre Fresnault-Deruelle nous parler des 7 boules de cristal. Et on l’entend nous donner sa vision des choses. Sa lecture des choses…

Cet original exercice ne nous dissèque pas l’album image après image mais passe plutôt d’une séquence à une autre en s’arrêtant pour chacune sur ce que l’auteur a à nous faire remarquer. Sur un détail graphique, sur une composition de vignette, sur l’attitude d’un personnage, sur un parallèle qui pourrait être fait entre ce qui se passe dans la bande dessinée et ce qui se passait ailleurs, « dans la vraie vie », à l’époque de sa réalisation. Sur une centaine de pages, l’exposé s’étire et le parcourir est fort plaisant ; parce que cette notion de relecture est originale, parce que (disons-le) on est plutôt dans le cas de ceux qui connaissent cette aventure de Tintin par coeur, et parce que l’iconographie – des images adjacentes, comme les qualifie Pierre Fresnault-Deruelle – a été sélectionnée avec soin et malice.

Comme d’autres essais tintinophiles, Hergé ou le retour de l’Indien plaît à ses lecteurs car il les mène en terrain connu tout en leur donnant à découvrir des choses qu’ils n’auraient jusque-là pas encore vues ou ressenties. Et parce qu’il leur fera rouvrir une fois de plus (alors qu’ils pensaient le connaître par cœur et ne pas avoir à le relire de sitôt !) un album rangé depuis si longtemps dans leur bibliothèque. Ce genre d’essai fait renaître de l’intérêt pour un ouvrage même de très nombreuses années après la parution de celui-ci. Si ça ce n’est pas une preuve que Tintin c’est encore de nos jours « de la balle » ! Euh… De la boule (de cristal) !

Bonne (re)lecture !

Par Sylvestre, le 26 novembre 2021