IKIGAMI PRÉAVIS DE MORT
Volume 1

Pour « pérenniser la prospérité nationale », un pays a décidé depuis des années de mettre en place un système législatif strict. Ainsi, dès leur entrée à l’école, les enfants se voient injecter un vaccin. Dans une seringue sur mille, le vaccin contient aussi une nano-capsule qui va se nicher dans l’artère pulmonaire, au niveau du cœur. Puis, à une heure et un jour fixés à l’avance par l’Etat, la capsule éclate et tue le jeune, alors âgé de 18 à 24 ans. Personne ne peut savoir à l’avance qui reçoit cette capsule dans le corps. Le but décrété par le gouvernement est que chaque citoyen grandisse en ayant une vraie conscience de la valeur de la vie et qu’il se donne le plus possible dans son quotidien.

Fujimoto est fonctionnaire, chargé d’annoncer la triste nouvelle, 24 heures avant la mort. Il est un de ces milliers de « livreurs » qui doivent affronter le regard des jeunes et de leurs familles en leur donnant l’Ikigami, la carte annonçant le décès imminent. Ils ne doivent pas douter de leur mission. Ils ne doivent pas contester le système. Il en est ainsi ; chacun doit faire son travail, sous peine de représailles.
 

Par legoffe, le 1 janvier 2001

Publicité

Notre avis sur IKIGAMI PRÉAVIS DE MORT #1 – Volume 1

Voilà un récit d’anticipation qui va certainement faire du bruit. Annoncé comme un thriller, il nous entraine dans un pays qui a choisi une mécanique terrible pour inciter sa population à jouir de la vie et à être plus productive afin d’assurer la « prospérité » de la société.

Pour illustrer son propos, l’auteur choisi comme héros un de ces nombreux fonctionnaires chargés d’annoncer la funeste nouvelle aux jeunes qui ont eu moins de chance que les autres. En parallèle, le lecteur suivra aussi la vie des personnes qui vont apprendre leur mort prochaine. Deux destins sont ainsi mis en avant ici : un jeune homme qui tente de se reconstruire après une adolescence marquée par un drame et un autre qui commence à percer dans le monde de la musique. Chacun va vivre ses dernières 24 heures de manière totalement opposée, mais avec une même détresse, bouleversante. Comment admettre, en effet, que la sombre loterie est tombée sur soi après deux décennies d’une vie tout ce qu’il y a de plus normale.

Motorô Mase sous-entend, d’ailleurs, que la loi manque d’efficacité puisque les personnages avouent tous avoir vécu jusque là sans penser à la possible sentence. Le « ça n’arrive qu’aux autres » est là et tend à démontrer que le couperet « Ikigami » tombe sur les êtres avec la même fatalité qu’un accident de voiture.

L’un des grands intérêts du livre est d’avoir installé le décor dans une société ressemblant beaucoup à la nôtre. Hormis cette loi absurde, rien ne la différencie des pays modernes d’aujourd’hui. Ces gens vivent comme nous, avec les mêmes joies et les mêmes peines, dans un univers consumériste et social similaire. Nous sommes loin de la dictature impitoyable que l’on pourrait imaginer en lisant le résumé. L’implacable machine de mort qui s’inscrit dès l’enfance ne semble pas réellement mobiliser les foules qui admettent cette mécanique très passivement, parfois par peur des représailles, mais surtout par distance inconsciente avec le système. S’il frappe finalement beaucoup de monde (un sur mille tout de même !), les « chances » de voir un proche frappé sont finalement faibles. Le procédé est également vrai pour les fonctionnaires qui traitent des numéros et des registres sans vraiment réaliser qu’ils programment la mort d’un être humain. Finalement, les plus exposés sont encore les « livreurs » (et on peut imaginer que c’est de là que tout le récit va peut être basculer bientôt). Pour les autres, le principe vaut le « métro boulot dodo » de tout bon technocrate.

De ce point de vue, le lecteur ressent une certaine critique de nos sociétés qui finissent parfois par admettre l’impensable pour peu que les arguments frappent les esprits ou que la procédure soit bien huilée. Où se situe alors le curseur sur l’échelle de la normalité ? Il est peut être bien plus mobile que l’on veut bien l’admettre…

Avec Ikigami, les éditions Asuka lancent une série très intéressante. Je suis curieux de voir où l’auteur va nous mener dans les prochains épisodes mais vous pouvez déjà acheter sans hésitation ce premier tome que vous dévorerez rapidement. Vous resterez alors peut être quelques instants le regard ailleurs pour vous interroger sur ce qui fait la valeur ou la richesse d’une existence.

Par Legoffe, le 20 février 2009

Publicité