IL ETAIT UNE FOIS LA SIBERIE
Première époque : le paradis des hommes
Elles sont nombreuses, les petites peuplades qui se partagent les immensités de la Sibérie. A celles-là et à celles, voisines, qui viennent y faire des incursions liées à leur nomadisme, l’Histoire a ajouté, à partir du XVIème siècle, les Russes, qui ont commencé à coloniser pour le compte du Tsar ces terres riches pour certaines, et encore vierges pour la plupart.
Des destins se sont forgés, dans ces toundras. A toutes les époques. Il y a les Russes qui y sont allés pour étendre la domination de leur pays et à qui le Tsar demandait d’être respectueux des gens qu’ils rencontreraient et côtoieraient ; il y a eu aussi ceux que la politique et la guerre ont déracinés pour mieux les oublier au milieu de terres loin de tout… Il y a eu enfin ceux qui choisirent volontairement de s’y installer pour y trouver une paix et une communion avec la nature qu’ils ne trouvaient pas ailleurs.
Nicolaï Maslov est né à Novossibirsk, en 1934. Il est l’auteur de cette bande dessinée et, entre les épisodes de l’histoire de la Sibérie qu’il a choisi de nous raconter, il nous livre des souvenirs de sa propre enfance…
Par sylvestre, le 7 mai 2010
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Sortie :
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ISBN :
9782742788187
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Notre avis sur IL ETAIT UNE FOIS LA SIBERIE #1 – Première époque : le paradis des hommes
Premier tome d’une trilogie, "Le paradis des hommes" nous tient loin des pages noires de l’histoire de l’U.R.S.S. rimant avec goulags, déportations ou catastrophes écologiques, ces vérités qui ont pollué le regard que l’on porte généralement sur la Sibérie, notre culture d’occidentaux réduisant trop souvent cette partie du monde à ces tristes notions…
Au contraire, Nicolaï Maslov nous dresse le portrait d’un univers vierge et accueillant au-delà des rigueurs que son climat peut imposer selon la saison. Il nous dépeint ces espaces infinis comme une source, comme un grenier, comme une corne d’abondance où celui qui sait trouver et travailler le bois aura un toit et où celui qui sait pêcher et chasser aura à manger. Et il nous parle de la colonisation russe comme d’un "eastward movement" qu’on pourrait comparer aux settlements qui ont fait la belle époque du far west, de l’autre côté du Pacifique, mais avec un respect des populations autochtones à mettre en opposition aux massacres des Amérindiens. La Sibérie est un paradis pour les hommes.
Nicolaï Maslov (dont c’est la troisième bande dessinée) s’invite dans son scénario, faisant alterner souvenirs personnels et historique plus général de son pays. La Sibérie étant sauvage et les Russes n’étant intervenus dans son Histoire que très tard, pas de grandioses monuments ou de personnages célèbres sur lesquels s’attarder vraiment pour cette "première époque" : la mythologie et le style de vie se révèlent être les véritables intérêts, l’entrée en matière…
A l’instar de la Genèse de La Bible, ce tome 1 plante en effet les décors et nous parle d’hommes. Maintenant, on reste curieux de savoir de quoi sera faite la deuxième époque, de voir où l’auteur veut nous emmener.
C’est avec un rythme lent que se fait la narration, un rythme qui fera pour certains écho à cette impression d’insignifiance qu’on peut ressentir face à la nature sibérienne. Les textes quant à eux sont pour la plupart en voix off. Ils ne se différencient des textes de dialogues que par leur sens, et si conversations il y a dans cet ouvrage, elles ne sont pas "suivies" et sont plutôt des indicateurs de proximité avec les acteurs du sujet, le récit étant une succession de tableaux plutôt qu’une fresque dans laquelle on retrouverait toujours un personnage central, par exemple…
Le dessin au crayon de bois n’est pas très engageant au premier coup d’œil. Il aurait même l’aspect d’un dessin d’enfant, par moments. Tout y semble représenté assez raidi, assez statique. On peut le regretter dans la mesure où ce n’est pas un galop d’essai pour son auteur, mais on nourrit ainsi l’espoir qu’avec la suite, le style puisse s’affiner et puisse se faire plus expressif. Cela dit, la Sibérie, c’est aussi des gens engoncés dans leurs habits les protégeant du froid ! Ce style raidi, comme je l’écrivais plus haut, sied donc d’une certaine manière à cette œuvre qu’on qualifiera donc d’exotique. Car attention, au fait… ce n’est pas parce que les auteurs de l’ex-U.R.S.S. ne sont pas encore très nombreux qu’il faut s’émerveiller automatiquement de leurs bandes dessinées qui nous arrivent : Youri Jigounov a montré dès 1995 (avec Les lettres de Krivtsov) qu’on pouvait être russe et produire un dessin d’une qualité à faire blêmir les grands noms de la BD franco-belge ! Il ne suffira donc pas d’avoir ses origines de l’autre côté du "rideau de fer" pour plaire aux lecteurs : le dessin et/ou l’intérêt des œuvres seront comme pour toute BD les vrais critères de choix.
Pour Il était une fois la Sibérie, si le dessin ne fera pas que des émules, le sujet attirera en tout cas ceux que ce grand pays intéresse et qui trouveront dans un cahier en fin d’ouvrage quelques définitions poussées des principaux termes spécifiques rencontrés au fil de la lecture. Année de la Russie oblige, l’édition 2010 du festival d’Angoulême proposait deux lieux d’exposition en rapport avec la BD russe. Nicolaï Maslov était en outre présent sur le stand Actes Sud BD.
Par Sylvestre, le 7 mai 2010