Immortal Sergeant

Pour son anniversaire, Michael décide de faire le voyage avec sa famille pour aller fêter ça avec ses parents divorcés. Mais son père, surnommé « Sarge », qui est sensé aussi célébrer, de son côté, son départ en retraite, n’est qu’un vieil acariâtre qui a le don de se faire détester par tout le monde. Quand ce dernier aperçoit une personne impliquée dans une vieille affaire qui a débuté le jour de la naissance de Michael, il devient fou, il entraîne alors son fils dans une longue virée à travers le pays afin de rattraper l’inconnu et peut-être enfin résoudre cette enquête qui l’a obsédé durant près de 35 ans…

Par fredgri, le 5 février 2024

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Notre avis sur Immortal Sergeant

Joe Kelly et Ken Niimura que l’on avait adoré sur I Kill Giants, reviennent cette fois avec ce nouvel album qui nous plonge dans une étrange course-poursuite survitaminée, aux côtés d’un père, flic en passe de prendre sa retraite, et son fils qui voudrait renouer le dialogue avec celui qui ne l’a jamais respecté jusque là.

Le fond de l’intrigue prend ses racines 35 ans en arrière, quand un homme tue par mégarde sa petite fille de quelques mois. Le policier en charge de l’affaire, Sarge, est d’autant plus traumatisé par la situation que le coupable s’en sort assez facilement, tandis que son propre fils nait à l’autre bout de la ville. Ce parallèle mort/naissance va le troubler pendant des dizaines d’années et influer sur sa propre relation avec ce fils et ses dates d’anniversaire successives, rompant le lien qui aurait pu s’instaurer au fil du temps.
On a donc un vieux flic au sale caractère, homophobe, raciste et aux idées particulièrement étroites qui ne supporte pratiquement pas la compagnie des autres, et encore moins celle de sa propre famille. Sa femme a pu supporter son mari pendant un certain temps, mais découvrant d’une part sa propre homosexualité et l’envie de se libérer de cette histoire toxique, elle a décidé de divorcer, tandis que leur fils est parti s’installer avec sa femme loin de là.
Il faut dire que le fameux Sarge est insupportable, tout ce qu’il peut faire pour « emmerder » son monde il ne se gène pas, allant même jusqu’à faire exprès d’aller dans des bars réservés aux noirs pour aller se foutre d’eux en arborant un accent grossièrement insultant, ou encore en racontant ses anciennes affaires glauques à ses petits enfants. Très vite, on comprend qu’il n’y a aucune affection possible avec ce personnage qu’on a presque plus envie de baffer qu’autre chose. Mais en contre partie, le comportement soumis du fils est tout aussi énervant, en soi. Cette façon de ne pas rentrer dans le lard de ce père injurieux et irrespectueux avec tout le monde fait partie de l’ambiance de ce récit très contrasté qui ne laisse pas le lecteur indifférent, tout du long.

En effet, l’album se lit d’un trait, au rythme ultra dynamique des échanges entre le père et le fils, de cette course poursuite ponctuée de gros coups de gueule, de situations aux limites du dérapage comportemental. Toutefois, ce portrait qui se dessine au fur et à mesure intrigue, puis petit à petit fascine dans ce qu’il laisse deviner sur le passé de l’un et de l’autre, sur les véritables raisons de tout ça. Je n’irais peut-être pas dire qu’on est ému, mais on est au moins touché par cette fine subtilité qui se dégage lentement.
Malgré tout, Joe Kelly reste pratiquement tout du long dans une approche caricaturale pleine d’excès, qui prend beaucoup de place dans le scénario, trop peut-être, car finalement on ne s’attache ni aux uns ni aux autres, on assiste juste à cette boule d’énergie qui glisse d’une page à l’autre.
L’effet est accentué par le traitement graphique extrêmement minimaliste de Ken Niimura, plus proche du storyboard exécuté rapidement, au point ou on finit par ne plus vraiment y faire attention. L’accent étant bien plus mis sur l’histoire que sur les dessins.

Immortal Sergeant est donc un étrange album, à la fois captivant et déroutant, dans lequel je vous conseille de plonger sans vous poser de question.
Une intéressante performance artistique.

Par FredGri, le 5 février 2024

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