Intégrale
Intégrale regroupant les trois volets de la série Transperceneige.
– Le Transperceneige, Lob/Rochette (1984 – réédité sous le titre L’Echappée en 1999)
– L’Arpenteur, Legrand/Rochette (1999)
– La Traversée, Legrand/Rochette (2000)
Par melville, le 15 septembre 2013
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dessinateur :
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Éditeur :
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Sortie :
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ISBN :
9782203027596
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Notre avis sur Intégrale
Parait aujourd’hui une intégrale regroupant les deux histoires du Transperceneige, celle écrite par Jacques Lob et dessinée par Jean-Marc Rochette en 1984 et celle (en deux tomes) toujours dessinée par Rochette mais cette fois-ci scénarisée par Benjamin Legrand parue entre 1999 et 2000. Deux récits qui s’avèrent être deux visions d’une même histoire entrant chacune en résonnance avec leur époque. Et il s’en créer comme un troisième : un « métarécit » né de la confrontation des deux approches et de l’évolution qui a conduit de l’une vers l’autre.
Le Transperceneige raconte l’histoire d’un train aux mille et un wagons dernier bastion d’la civilisation qui roule et jamais ne s’arrête parcourant ainsi la blanche immensité d’un hiver éternel et glacé d’un bout à l’autre de la planète. Dans les wagons de tête logent les riches dans l’opulence et l’espace ; plus à l’étroit et se nourrissant de viande de souriceaux plutôt que de lapins, viennent ensuite les secondes classes ; suivies enfin des wagons de queues où s’entassent les parias, les queutards comme on les appelle, enfin ceux qui n’aurait même pas dus être là. Accident ou acte délibéré, comment savoir ? Mais qu’importe après-tout, le monde est devenu ce qu’il est après l’explosion d’une bombe climatique et désormais le Transperceneige (au départ « transsibérien de luxe ») a été reconverti en abri de survie et roule vers l’infini pour maintenir le restant de l’humanité à flot. Comme le souligne Jean-Pierre Dionnet dans sa belle préface, l’histoire est simple et efficace mais aussi terriblement belle. Récit d’anticipation, l’image du train évoque pourtant le passé – celui qu’on a trop vite oublié et de fait nous rend aveugle au futur qui rattrape notre présent.
Sous la plume de Lob, le récit s’entour d’une dimension métaphorique, de celle propre peut-être aux récits de science-fiction. Concentrant le reste des Hommes (seuls êtres vivants ayant survécus à la catastrophe) le train devient le Monde avec son passé et son avenir. Le train fait également écho à la forme même du récit, comme incarnation de la tragédie qui se joue sous nos yeux impuissants : le Transperceneige file à toute allure sans pouvoir s’arrête ni changer de route guidé par les rails de son destin vers un fin sans espoir. Dans un passionnant dialogue la forme et le fond se mêlent et transportent le récit vers quelque chose de grand. Tragédie, et aussi mélodrame mais qui « n’explose pas », comme contenu dans l’espace exigu du train et le noir et blanc du dessin. Formidable travail graphique que celui de Rochette qui parvient à rendre compte de l’oppression, de la claustrophobie que représente une telle situation. Son sens du cadre est impeccable et sa dimension cinématographique donne une force à sa mise en scène (dans sa définition première de gestion d’un espace).
Près d’un vingtaine d’années plus tard ce n’est plus du Transperceneige dont il est question dans L’Arpenteur et La Traversée mais du Brise-Glaces, un autre train de survivants. Le propos est plus sombre et empreint de cynisme. L’Idée du train est moins prégnante, Legrand assimile davantage le Brise-Glaces à un vaisseau spatiale – ce qui d’ailleurs est une thèse portée par l’un des personnages. Si cette vision perd en lyrisme sourd, elle gagne en réalisme : l’Homme est davantage maître de sa fuite en avant. Entre temps le dessin de Rochette a évolué. Il se fait plus charbonneux et « atmosphérique » répondant ainsi aux contraintes d’espaces moins présentes. Saisi par l’émotion dans le récit des années 80, la perception et la réflexion du lecteur sont davantage suscitées tout au long du récit des années 2000. La migration d’une forme « classique » vers une forme « moderne » entre en résonnance avec l’évolution du propos.
Chef-d’œuvre !
Par melville, le 15 septembre 2013