Intégrale

10 récits courts sont rassemblés dans ce volume, que Junji Ito réalisa pour l’éditeur japonais Shogakukan, dont certaines sont encore inédites en France. On a droit aussi à des pages en couleur, des illustrations et en bonus, la célèbre histoire autobiographique qu’Ito a dédiée au maître Kazuo Umezu (L’École emportée).
Des millions de solitaires: On retrouve des cadavres de couples attachés les uns aux autres par du fil de nylon, dans de grotesques constructions humaines de plus en plus impressionnantes. Que se passe-t il ? Est-ce que cela vient des chansons qui viennent interrompre les programmes radio ?
La chaise humaine (adapté d’une nouvelle d’Edogawa Ranpo): Une jeune femme vient acheter un fauteuil pour travailler plus confortablement. Le vendeur lui raconte alors la légende de la chaise vivante qui met en scène un homme follement amoureux d’une écrivain, qui lui offrit un fauteuil ou il lui était possible de se glisser pour être plus proche de la femme qu’il aimait…
La vénus invisible: Mariko préside, aux côtés de son père un club d’ufologie. Cependant, la jeune femme est tellement belle que les autres membres du club en sont tous éperdument amoureux. Cependant, un jour, ils se rendent compte, progressivement que lorsqu’elle se rapproche d’eux, elle disparait mystérieusement, pour réapparaître dès qu’elle s’éloigne…
La lécheuse: Dans la rue, la nuit, des passant croisent une étrange femme qui exhibe une monstrueuse langue pour les lécher. Si par malheurs, elle réussit à les toucher, ils sont contaminés par une virulente maladie de peau qui les tue en quelques heures…
Le maître Kazuo Umezz et moi: Junji Ito voue une admiration sans bornes pour Kazuo Umezz depuis l’enfance.
Un amour inhumain (adapté d’une nouvelle d’Edogawa Ranpo): Kyoko est heureuse, le beau Kadono a accepté de l’épouser et tout semble se dérouler à la perfection dans leur couple, jusqu’au jour ou elle entend son époux, dans le grenier, parler à une inconnue et lui avouer ne pas aimer sa jeune femme…
Le professeur Kirida possédé (adapté d’une nouvelle de Robert Hitchens): Alors qu’elle souhaite prendre un peu le vert à la campagne, dans la maison familiale, Yuho Hayama découvre l’étrange histoire de son ancêtre Sumiko qui tomba amoureuse de l’écrivain Togai Kirida qui ne cessa de la repousser, en critiquant très durement la qualité de ses écrits…
Le mystère de la faille d’Amigara: Un puissant séisme a dévoilé une faille assez étrange ou l’ont voit des trous à forme humaine. Les gens commencent à affluer et petit à petit ils se rendent compte que chaque trou correspond à l’un d’entre eux. Owaki rencontre Yoshida qui semble, elle aussi être obsédée par cette correspondance, comme attirée par un trou qu’elle estime lui être destiné…
La triste histoire d’un père de famille: Alors qu’ils se préparent à manger, une famille découvre que le père est bizarrement coincé sous une poutre dans les fondations de leur maison…
L’enfant posthume: Toyoji découvre que sa précédente femme, décédée il y a 10 mois, vient d’enfanter, dans sa tombe, un bébé. Troublé, il confie l’enfant à une l-nourrice, tout en élevant le bébé qu’il vient d’avoir de sa nouvelle épouse…

Par fredgri, le 26 décembre 2022

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Notre avis sur Intégrale

Que vous soyez un fan de Junji Ito ou non, ce recueil d’histoires courtes est une sortie à ne pas manquer. Certes, il s’agit de récits horrifiques, mais il valent bien plus pour les incroyables ambiances qu’ils développent, le trait d’Ito qui se rapproche davantage de l’école européenne, loin des canons graphiques asiatiques. Une sorte de ligne claire, très précise qui tranche avec l’horreur qui se glisse progressivement deçi delà.
On peut donc se laisser séduire par les personnages, par ce que les histoires dévoilent au fur et à mesure, sans pour autant oublier les idées parfois bien barrées qui animent chaque intrigue (comme cet admirateur fou qui se glisse dans un compartiment secret, au creux d’un fauteuil, ce père de famille mystérieusement coincé dans le sous-sol de sa propre maison, ou ces trous dans la falaise, qui attirent les inconnus et les poussent à s’y glisser…)

Les univers de Junji Ito sont dérangeants, ils nous confrontent à des visions qui nous interpellent, qui portent un regard angoissé sur la réalité. Qu’il s’agisse de cette "lécheuse" qui nous interroge sur le contact direct avec les autres, ces couples attachés par des fils de nylon qui nous questionnent sur notre rapport malsain à l’autre, notre envie de solitude etc. Chaque idée est un constat déformé sur les tenants de notre vie en société et ce qui nous lie aux autres, en exacerbant l’aspect toxique des relations entre les hommes et les femmes.
Et c’est peut-être ce qui nous touche avant tout, la mise en abîme d’une histoire intime profondément révélatrice d’un malêtre existentiel ou l’horreur peut découler du regard d’un inconnu croisé dans la rue, d’un geste, d’une tentative de baiser une joue. Le tout exacerbé par cette histoire de Covid qui nous pousse à craindre le pire du moindre geste affectif !

Junji Ito met donc en scène la porosité du lien social et la peur du contact affectif. Dans une société anxiogène, l’horreur c’est peut-être nous, et plus seulement l’autre…

Un volume qui n’a peut-être pas la puissance des autres œuvres du maître, mais qui possède une force plus concentrée, plus efficace et inquiétante.

Très vivement recommandé !

Par FredGri, le 26 décembre 2022

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