ISIDORE ET SIMONE

L’invasion allemande oblige Isidore et Simone à fuir Paris, et à rejoindre la Résistance. Leur famille va elle être arrêtée puis déportée vers Auschwitz.

Isidore et Simone raconte cette tragique histoire familiale, à partir de l’enquête menée par le journaliste Simon Louvet, parti sur la trace de ses ancêtres.

Par v-degache, le 29 novembre 2023

Notre avis sur ISIDORE ET SIMONE

C’est lors d’un reportage en 2018 avec des lycéens rouennais à Auschwitz et d’une rencontre avec l’historien Olivier Lalieu, responsable de l’aménagement des lieux de mémoire et des projets externes au Mémorial de la Shoah, que le journaliste Simon Louvet s’est décidé à raconter en BD l’histoire de ses arrière-grands-parents, Isidore et Simone, et plus largement de sa famille.

Isidore Adato, né en 1910 dans une famille juive séfarade originaire de Turquie, alors Empire ottoman, rencontre Simone Horviller, issue d’une famille mosellane juive ashkénaze, aux scouts israélites de France. Ils se marient en 1935 avant que la guerre n’éclate. Alors que Simone suit l’exode au Sud de la France, Isidore, démobilisé, est envoyé à Toulouse. Leurs familles respectives vont connaitre l’internement puis la déportation. Isidore va lui s’engager dans le maquis de Vabre (Tarn), leurs deux filles étant placées et cachées dans le couvent Notre-Dame de Massip à Capdenac.

Simon Louvet a dû se lancer dans une longue et minutieuse enquête afin de retracer cette aventure familiale et de mettre la main sur les archives  qui vont lui permettre de combler les nombreux vides, et de rendre un visage à ses ancêtres, dont dix mourront à Auschwitz. Il nous emporte dans un passionnant récit, des montagnes du Tarn jusqu’en Allemagne où Isidore combat au sein de la Première armée de Libération du Général Jean de Lattre de Tassigny. Suivra, après la capitulation allemande, la recherche des parents disparus… On souffle et on sourit un temps avec l’épisode du banquet de la Libération du 31 août 1944 à Vabre, servi à la population par des officiers allemands et leurs secrétaires faits prisonniers, avant de repartir vers les combats, avec Isidore et ses camarades.

Remedium (Adam – L’attraction du pire) au dessin fait le choix d’un graphisme rond, simple et clair, qui pourra désarçonner au premier abord, mais auquel on s’habitue vite, et qui a le mérite d’éviter de donner un côté plombant supplémentaire à une histoire à l’issue funeste. Les documents dessinés occupent une place majeure, comme par exemple le premier statut des Juifs du 3 octobre 1940 que l’on voit « construit » par la main de Pétain. Un maximum de véracité se dégage de l’ensemble, appuyé par les commentaires d’Olivier Lalieu, chapitre par chapitre, en fin d’ouvrage. L’enquête est aussi parsemée de vides et de flous, que ce soit le rôle exact de Simone entre 1940 et septembre 1944, qui reste en partie inconnu faute de sources tangibles, où l’épisode du couvent voyant débarquer les Allemands cherchant des Juifs, raconté par la grand-mère de l’auteur, et en réalité éloigné d’une réalité historique, les Nazis ne faisant que passer devant le bâtiment…

Cet Isidore et Simone est un passionnant récit dessiné d’une micro-histoire familiale tragique, rendant hommage à des combattants de l’ombre, et la mémoire à une famille décimée.

Outre le travail du duo d’auteurs, saluons également les choix éditoriaux de Ouest-France, qui, avec Du sang dans la clairière (https://sceneario.com/bd/du-sang-dans-la-clairiere/) et Isidore et Simone, sort coup sur coup deux bd historiques particulièrement recommandables !

Foncez vers cette BD indispensable qui fait œuvre d’histoire, et découvrez le destin d’une famille emportée par la guerre.

Par V. DEGACHE, le 29 novembre 2023

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