JE SUIS LEUR SILENCE

Psychiatre de métier, Eva Rojas fait l’objet d’une analyse comportementale chez un confrère, le docteur Llull. La jeune femme, du genre excentrique, dérange certains de ses patients par sa façon d’agir en consultation et doit subir, à la suite du retrait de sa licence, une enquête de la profession. Sur un ton léger, occultant volontairement certaines choses, la jeune femme répond librement à son confrère jusqu’à ce que celui-ci lui demande de raconter la semaine qu’elle a passée. Sans se démonter, elle évoque chronologiquement ses journées jusqu’à ce qu’elle reçoive l’invitation de Pénélope Monturos, une de ses patientes amies qui sollicite son aide pour une histoire d’héritage familial. Empressée de rencontrer ses parents qu’elle ne connaît qu’au travers des dires de sa cliente, Eva accepte et retrouve Pénélope à sa propriété, un gros domaine viticole. Mais sa venue n’est pas du goût de tous et certains même lui manifestent une réelle hostilité. Son extravagance lui permet toutefois de tenir tête aux plus revêches. C’est à la suite de la réception familiale que la psychiatre découvre le cadavre de Francesc Monturos. Et si elle menait sa propre enquête ?

Par phibes, le 22 octobre 2023

Notre avis sur JE SUIS LEUR SILENCE

En parallèle de la série Les beaux étés qu’il réalise avec l’excellent Zidrou et après nous avoir enchanté avec sa sympathique romance à rebours Malgré tout, Jordi Lafèvre revient à nouveau en solo pour nous présenter son dernier roman graphique, Je suis leur silence. Par ce dernier, il prend la décision de jouer dans un nouveau genre, le polar tel qu’il indique dans le sous-titre.

Dans ce polar, il y a comme convenu un cadavre, il y a aussi une famille, un testament à la clé et enfin un enquêteur. Or, cet enquêteur n’est nullement un policier mais une jeune psychiatre qui a la particularité d’être bien extravagante et qui se doit de recouvrer le droit de professer. Pour cela, elle se confrontée à un confrère auquel elle narre ses dernières péripéties… et pas les moindres.

Jordi Lafevre peut se vanter de nous amener dans un registre qui, s’il respire encore une fois une réelle cocasserie, n’en est pas moins captivant. En effet, grâce à son personnage principal, Eva Rojas, à sa naturalité, à son extravagance, à sa pétulance, l’artiste rend son récit ô combien attachant. Par ce biais, il scinde subtilement l’histoire de sa jeune psychiatre en deux tranches de vie, entre la séance avec le docteur Llull et ses péripéties passées chez les Monteros. Dans les deux cas, les dialogues formidablement ciselés accompagnés de visions féministes, permettent de suivre une intrigue rebondissante de haute volée, formidablement bien articulée avec des personnages au charisme rigoureusement travaillé.

S’il démontre sa grande aptitude à concocter des aventures trépidantes, Jordi Lafevre sait aussi manier les pinceaux. A la faveur d’un geste incroyablement expressif, l’artiste nous offre une mise en images moderne, très plaisante à parcourir, sous le couvert d’un trait efficace. Eva Rojas crève les vignettes par sa présence, sa gestuelle excellement croquées, son comportement erratique accompagnée en cela par une galerie de portraits de choix.

Un polar à la sauce barcelonaise subtilement épicée qui a l’avantage de passer un excellent moment de lecture. On en redemande !

Par Phibes, le 22 octobre 2023

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