Jeanine

Jeanine ne manquait pas d’ambition. Nageuse, ballerine, surfeuse, chanteuse et pianiste, Jeanine a touché un peu à tout ça et aurait voulu devenir tout ça. Mais les choses se passent rarement comme on le souhaiterait et après une enfance en Algérie (pendant la guerre) et d’incessants voyages, elle débarque à Nice et exécute de nombreux petits boulots (dactylo, placeuse au cinéma, vendeuse de sandwichs). C’est plus ou moins le hasard (et la misère) qui lui font commencer à se prostituer un peu, de temps à autres, pour participer à l’effort familial. Puis, peu à peu, cela devient ni plus ni moins que son métier, jusqu’à devenir « Isa la Suédoise, la plus grande prostitué de Strasbourg ». Mais Jeanine n’en restera pas là : engagée politiquement, elle sera capable d’aller loin pour défendre les droits des prostituées.

Par Placido, le 25 juillet 2013

Notre avis sur Jeanine

C’était au festival d’Angoulême 2012, au stand de L’Association. Personne devant Mathias Picard. Aucune idée de ce que peut raconter sa BD. Je m’avance et lui pose donc la question.

« – Jeanine ? C’est l’histoire de ma voisine. »

Et ouais, un mec a fait une BD en racontant la vie de sa voisine. Mieux un mec a fait une super BD en racontant la vie de sa voisine.

Loin de moi l’idée de vouloir lui retirer tout le mérite, il faut dire aussi qu’il est tombé sur la perle rare. Toutes les voisines du monde ne se valent pas. Toutes ne sont pas du même acabit que Jeanine.

Des heures et des heures de discussion dans une cuisine sont nécessaires pour accoucher d’un récit de vie passionnant où s’entremêlent humour, amour, chronique social et politique. Outre une vie pas du tout banal et bien remplie, peut-être un peu enrobée, joliment gonflée, Jeanine (la voisine, mais aussi la BD) porte un regard très intéressant sur l’évolution de la société et nous amène notamment à reconsidérer complètement notre vision de la prostitution. Le plus vieux métier du monde revendiqué comme vrai métier, avec le code du travail, un salaire déclaré, des avantages sociaux… Comme tous les autres boulots, en fait.

Là-dessus, Mathias Picard réussi un très beau tour de force en abordant le sujet avec beaucoup de retenue et finesse (d’intelligence, en somme) sans tomber dans les travers habituels, les clichés et autres raccourcis. La sincérité en prime.
Et bien évidemment, toute cette histoire ne serait pas aussi intéressante sans Mathias Picard, qui raconte avec une justesse et une simplicité touchante. Son crayonné noir et blanc s’accorde à l’intimisme du récit et renvoi directement à la sincérité et la générosité de l’héroïne. Le rythme est également très réussi. Entre les discussions autour de la table de la cuisine, les flashbacks et les petites anecdotes, tout se déroule avec une belle souplesse et on prend un plaisir fou à enchaîner les planches de cette BD. Il en ressort une douceur générale, de celle d’une discussion autour d’un café le dimanche après-midi, dans la cuisine… Une discussion où l’on se sent nostalgique de ce qu’on aurait voulu devenir, de ce qu’on aurait pu devenir, si les choses s’étaient passées autrement.

Une grande réussite, un vrai coup de cœur.

Par Placido, le 25 juillet 2013

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