Jimmy Corrigan

« Jimmy Corrigan » est un album sur le vide et sur le pouvoir de l’imagination, sur cette matière qui nous enrobe tout au long de notre vie, faite de rien, de petits détails sans importance…

Chris Ware est l’un des derniers grands génies américains, n’ayons pas peur des mots !
Depuis la sortie du premier Acme Novelty Library, d’où sont tirées, en partie, les pages de Jimmy, il ne cesse de cumuler les prix les plus prestigieux. Il faut dire que Ware pousse le formalisme jusqu’à des limites rarement atteintes jusque là ! Chaque aspect de cet album est travaillé, tant pour le scenario que dans la forme et le dessin !!! C’est incroyable de finesse, de pertinence et d’originalité.

Quand j’ai découvert la première fois les aventures de Jimmy Corrigan je me suis dit qu’il y avait là un nouveau territoire qui s’ouvrait devant nous. Chris ware explore le média avec une énergie créatrice incroyable qui nous rappelle des gens comme McKay ou même Steranko.
Il faut voir les pages et les formats de certains autres albums de son incroyable Acme Novelty Library pour comprendre que l’arrivée de Jimmy Corrigan est une nouvelle pierre vers de nouvelles choses ! C’est fascinant, d’autant que loin de faire de l’esbroufe graphique Ware aborde surtout des thèmes extrêmement adultes, plutôt désenchantés même, qui reviennent sur l’identité, la filiation, le besoin de se ressourcer, retrouver ses origines qui nous définissent par le sang ! Mais les jeux de mise en page ramènent aussi le lecteur vers un questionnement de l’espace de lecture lui même, celui qui entoure le personnage, qui délimite le langage et nous entraîne vers une lecture réellement plus active, plus prégnante.

De pas ses thèmes et les atmosphères qu’il développe Chris Ware demande nécessairement aux lecteurs de s’impliquer. L’univers qui s’offre à nous est angoissant, voir déprimant. Il n’est donc pas facile de glisser dans cette histoire, au côtés de cet homme qui est maladroit, qui n’arrive pas à communiquer, à juste vivre simplement !

Mais cet album assez épais se dévore principalement des yeux, encore une fois. Les astuces de mise en page sont incroyables, les parties à découper, les pages qui sont constituées de petites flèches de rappel etc. Fascinant d’originalité !
Je reste scotché par la façon dont Chris Ware nous fait partager les hésitations de son personnage, chaque page recèle d’une nouvelle idée formelle, d’un détail qui donne de nouveaux reliefs à l’histoire. Il faut tout lire, même les notes au dessus du copyright !

Jimmy Corrigan reste à ce jour un remarquable tour de force qu’il faut absolument redécouvrir, sans plus attendre (en plus c’est, depuis, traduit chez Delcourt… Que demander de plus ?)
D’ailleurs je vous conseille aussi de lire les autres traductions qui sont elles aussi époustouflantes !

Par FredGri, le 26 mai 2014