Journal d'une Femen

 
Apolline en a ras-le-bol ! Pas une journée ne passe sans qu’elle ait droit à son lot de remarques sexistes, de comportements machistes, de sous-entendus lubriques ou de plans drague style gros lourdaud… Pourtant quand son patron lui demande de faire la potiche devant les clients, elle continue de s’exécuter.

Un soir, quand en plus de sa pénible journée, Apolline doit subir les remarques de sa mère qui aimerait bien qu’elle la fasse grand-mère ou celles de sa sœur qui fait toujours tout mieux qu’elle, c’en est trop et, comme exutoire, elle pense au mouvement Femen…

Elle prend contact, reçoit peu après un mail d’invitation et se rend au RDV sans se dégonfler. Bien qu’elle ne sache pas vraiment à quoi elle doit s’attendre même si elle a déjà vu dans la presse ces manifestations de "révolutionnaires aux seins nus", elle décide de s’investir malgré les risques qu’elle encourt ; risques dont la liste lui est faite. Ses premiers pas d’apprentie Femen sont difficiles, mais son envie d’en finir avec son quotidien de femme "simple objet de désir" prime…
 

Par sylvestre, le 24 octobre 2014

Notre avis sur Journal d’une Femen

 
Pendant les quatre ans dont il a eu besoin pour étudier le "phénomène Femen", Michel Dufranne a approché ses leaders, a rencontré ses membres et a observé des entraînements ou suivi des manifestations. Fort de cette expérience, il nous dresse aujourd’hui en bandes dessinées (avec Séverine Lefebvre aux crayons et aux couleurs) un portrait de cette organisation activiste d’une manière particulière : en envoyant dans ses rangs une héroïne certes fictive mais qui n’enlève rien à la véracité de tout ce qu’il raconte.

On a tous entendu parler des Femen, de leur mouvement, né en Ukraine. On les a tous vues, ces femmes aux seins nues et le corps peint, défendant les Droits de la Femme ou s’insurgeant en criant des "slogans choc" contre – entre autres – les dictatures et les religions muselant le sexe dit faible ou l’industrie du porno. C’est aux infos qu’on les voit le plus souvent, ce qui tombe sous le sens puisque leurs actions visent justement à les montrer perturbant des sommets, des colloques, des manifestations et autres discours contre lesquels elles s’élèvent et qui sont justement relayés par la presse. Un mode de provocation à la GreenPeace : des "actions choc" et des images pour interpeller l’opinion publique et lui ouvrir les yeux sur les dangers qu’elles combattent…

Ainsi on apprend bien des choses sur les Femen et sur leur organisation dans ce Journal d’une Femen. Mais on note qu’à aucun moment, l’auteur pousse le lecteur à prendre parti. Il est vrai que les Femen sont admirées ou au contraire vertement critiquées et que cette BD, plus factuelle que propagandiste, n’est donc pas un outil proposé pour prendre position. On admire les Femen parce qu’elles réussissent à fédérer alors qu’il n’était pas gagné que tant de femmes adhèrent à leur mode d’expression ô combien surprenant dans notre société actuelle… Ou on les déteste pour leur discours fourre-tout opportuniste et l’agressivité de leurs propos. On comprend l’envie de ces femmes qui veulent faire changer les choses, mais on peut rester dubitatif sur le réel impact qu’ont leurs apparitions sur les décisions (politiques ou sociétales) qu’elles dénoncent…

Etre aux côtés de la fictive Apolline nous tient à l’écart des coulisses politiques ou financières de l’organisation Femen et on aborde donc le sujet à hauteur de Monsieur et Madame Tout-Le-Monde. Ça nous permet de jeter un œil sur ce qu’on ne soupçonne pas forcément lorsqu’on voit les Femen manifester mais ça nous montre aussi Apolline dans sa vie de tous les jours et lors des moments où ses choix peuvent être applaudis ou critiqués. On l’avait prévenue : dès lors qu’elle s’engage, elle s’expose. Et à partir du moment où on s’expose, on peut être reconnu et ça peut avoir de terribles conséquences sur tout le reste en fonction du degré de tolérance des autres : des gens dans la rue mais aussi des amis, de la famille…

Ce Journal d’une Femen s’étire sur 120 planches environ ; un bon corpus pour que les auteurs puissent bien prendre le temps de dire tout ce qu’ils ont à dire. Et qu’on soit pro-Femen, anti-Femen ou indécis, il apporte un très intéressant point de vue sur le sujet. C’est en outre une réalisation graphique très "girly" dans laquelle on plonge avec curiosité et (ne le cachons pas, avec éventuellement un peu de voyeurisme) mais qui respecte les objectifs fixés, qui ne part justement pas trop hors sujet et remet donc en place ceux qui en attendaient pourquoi pas quelque chose de plus léger.

Un beau travail. Une belle docu-fiction. Bravo !
 

Par Sylvestre, le 24 octobre 2014

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