Journal d'une bataille

« Journal d’une bataille est le récit d’un combat intérieur. Un journal intime où Cyril Pedrosa propose 92 dessins, complétés en regard par des textes écrits au fil des mois, mais ne constituant pour autant pas des prolongements de la partie illustrative. Une écriture « autobio-graphique » fragmentaire mais régulière, qui permet à l’un des auteurs les plus innovants et populaires de son époque de parler de ses recherches liées au dessin mais également de son observation du monde pendant une période s’étalant de juin 2022 à décembre 2023. Un album fort, touchant, remarquable, qui pousse la bande dessinée dans ses retranchements, et où le lien effectif entre image et texte n’est pas narratif mais purement émotionnel, laissant s’incarner avec une puissance stupéfiante la colère, la joie, les peurs, hier, maintenant et demain. »
Présentation éditeur

Par fredgri, le 30 avril 2024

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Notre avis sur Journal d’une bataille

Journal d’une bataille est un livre troublant.

Une longue expérience d’un an et demi, ou l’artiste va se livrer à un combat intérieur pour réussir à exprimer l’inexprimable, abstraire son art de toute forme évidente de narration, de ce filtre « Bande Dessinée » qui ne semble, à l’instant ou il entame sa démarche, le mener à rien.
Mois après mois, il se penche sur sa toile 1,5m sur 1m, laisse aller ses émotions au fil des coups de pinceau, de feutre, de crayon. Il inspire, il expire, il esquisse là une silhouette étendue, là un cri, là le sentiment d’un souffle de vent, griffure, jet d’encre, de la colère, de la fatigue, des tâches, des traits… Il commence aussi à se livrer par les mots, au fil d’une épiphanie fugitive, de longs monologues intérieurs qui se penchent sur ce qui entoure l’artiste, le monde, la ville, la rue ou simplement la pièce ou il se tient.

On est alors touché par cette vérité qui se révèle, les doutes qui brossent le portrait d’un homme en perpétuel questionnement sur lui-même, son art, sur ce qui inspire l’exercice auquel il se plie progressivement. Un geste, une pensée. Il se confie et retisse petit à petit ce récit en mouvement, entre ces images qui évoquent des scénettes, qui s’animent, que l’on veut simplement comprendre et les textes qui nous racontent un horizon trouble.

Journal d’une bataille reste un livre émouvant.

Cyril Pedrosa ne nous propose certes pas de la « bande dessinée », à proprement parler, il nous prend la main pour nous entraîner dans une sorte de balade en périphérie qui nous permet de mieux comprendre la mutation d’un langage graphique qui s’interroge sur ses propres bases. L’art dans son essence la plus pure, débarrassé de la narration, qui assume ses errements, ses maladresses ponctuelles, ses talonnements et ses fulgurances magnifiques. Le rythme est tranquille, on s’arrête de temps à autre, on observe, on ferme les yeux, on devine un visage endormi que l’on fixe encore et encore. On est ému par cette sincérité désarmante qui anime ce projet.

En effet, Journal d’une bataille se parcoure bien plus comme une longue et fascinante exposition, régulièrement ponctuée par des textes qui devraient davantage s’entendre que se lire, finalement… Un chuchotement en fond sonore, une voix claire.
Les mots de Pedrosa évoquent des paysages littéraires modernistes que l’on avait déjà ressenti en lisant Les Équinoxes, par exemple, une profondeur intense et libératrice, comme une confidence susurrée au creux de l’oreille…

Journal d’une bataille n’est peut-être plus un « album BD » au sens littérale, mais il n’en reste pas moins un livre qui résonne bien après l’avoir refermé.

Par FredGri, le 30 avril 2024

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