Judas

(Regroupe les Judas 1 à 4)
Alors qu’il vient de trahir Jésus, Judas met fin à ses jours et se retrouve dans une sorte de Purgatoire ou il croise Lucifer… Ce dernier tente alors de convaincre qu’il n’est responsable de rien, que Jésus l’a manipulé depuis le début et qu’il entende « la Vérité »…

Par fredgri, le 23 octobre 2024

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Notre avis sur Judas

On connait tous le nom de Judas Iscariote, qui est devenu d’ailleurs un nom propre, celui qui a dénoncé Jésus aux romains. L’idée, dans cet album, n’est pas forcément de raconter une énième fois l’histoire dans ses détails, mais plutôt de le suivre, après sa mort, quand son âme se retrouve aux Enfers, tentée par Lucifer qui va essayer de le retourner contre le messie, en lui expliquant combien sa parole a pu être fausse depuis le début.

Toutefois, on n’est clairement pas dans un message prosélyte qui veut perpétuer la « bonne parole », à grand renfort de messages bibliques, mais plutôt dans une étude de caractère précise et édifiante.
Loveness s’attache ainsi à décortiquer le long processus de culpabilisation de Judas, la relation qu’il a pu avoir avec Jésus et le regard qu’il porte sur les répercussions de sa dénonciation. A partir de là, se glisse une lente réflexion sur la responsabilité du Christ lui-même dans l’acte de Judas et l’ambiguïté déresponsabilisante de la parole de Dieu qu’il transmet. C’est intéressant alors de s’interroger la véritable nature de cette parole qui est peut-être davantage là pour insuffler et guider que pour réellement être prise à la lettre.
La responsabilisation est un thème très occidental, si ce n’est très « américain ». Judas passe beaucoup de temps à se demander en quoi ses actes ont pu être inspirés par Jésus, jusqu’à quel point ce dernier a pu les provoquer, voir même trahir en quelque sorte la confiance que pouvait lui avoir donnée Judas… Le scénariste pousse bien plus loin sa mise en perspective de l’histoire biblique et l’héritage christique, sans pour autant, encore une fois ouvrir de grands débats théologiques.

Il en demeure une histoire vraiment prenante qui met en doute le message de Jésus, sans pour autant se lancer dans une démarche dénonciatrice ou révisionniste. On peut ne pas être forcément adepte des bla-bla religieux, c’est malgré tout très facile d’entrer dans cet album en se laissant porter par l’ambiance et les dialogues qui restent enrichissants.

Mais c’est, à mes yeux, l’apport graphique de Jakub Rebelka qui, une nouvelle fois (après l’éblouissant Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft) impressionne par ses audacieuses compositions, par la beauté de ses planches et la finesse de ses techniques. C’est magnifique d’un bout à l’autre, on se laisse porter au gré des pages, en s’arrêtant régulièrement sur une case, sur un cadrage, sur une idée de texture. L’artiste pousse son art très loin et transcende littéralement le scénario par les ambiances qu’il développe au fur et à mesure de cette errance aux Enfers. C’est inquiétant, mystérieux et sublime à la fois.

Un très bel album, superbement « emballé » par 404 Graphics qui continue de nous proposer des œuvres exigeantes, avec un soin sur le choix de papier, de la maquette, du détail poussé à un haut degré d’excellence.
Je ne saurais assez vous recommander de vous pencher plus attentivement sur le catalogue de cet éditeur.

Évidemment très conseillé.

Par FredGri, le 23 octobre 2024

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