Junk love

 
Ho-gyeong est une jeune femme dont l’ambition est de faire de la scène ou du cinéma mais qui, en attendant, gagne chichement sa vie en qualité de modèle posant pour des élèves dans des instituts artistiques. Un jour va débarquer dans sa vie – et dans son appartement – un jeune homme "rencontré" sur un forum internet : Min-gyu, qui va s’avérer fainéant, profiteur, hypocrite et malhonnête, mais dont Ho-gyeong va (un temps) se satisfaire pour ce qu’il réussira à lui apporter dans son petit quotidien.
 

Par sylvestre, le 13 octobre 2011

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Notre avis sur Junk love

 
On cultive une sorte d’agacement à être témoin de la relation si fragile qui nous est contée dans cette BD ; celle entre Ho-gyeong et Min-gyu. Oh, pas un agacement pour cause de récit mal amené ou mal dessiné. Non… Mais un agacement parce que l’on est conscient que la jeune femme se fait "bouffer" par son parasite d’amant ! On a donc envie de lui ouvrir les yeux, de lui dire ce que l’on sait de Min-gyu et qu’elle ne sait pas encore. On souhaiterait qu’elle, celle qui travaille et paye, ne se fasse pas "avoir", tout simplement. Bref, on a envie de se mêler… de ce qui ne nous regarde pas !

Pourtant, quand on avance dans la lecture, on se rend bien compte qu’un certain équilibre est trouvé entre ces deux jeunes amoureux. Même si leur rencontre s’est faite grâce à internet, même si le jeune homme squatte sans honte et rechigne à chercher du travail alors que la jeune femme au contraire est souvent au téléphone pour ne pas laisser passer ces petits contrats de modèle qui peuvent lui être proposés… Et on constate que Ho-gyeong se satisfait de cette relation, au moins lorsqu’il n’y a pas conflit, puisant dans cet homme "adopté" ce qu’elle veut de lui lorsqu’elle en a envie.

A cet agacement dont je parlais plus haut s’ajoute graphiquement et narrativement le fait que l’auteure Chaemin a choisi de nous faire revivre de nombreuses scènes deux fois et sous deux angles différents : ça nous fait encaisser deux fois ces instants qui nous crispent quelque part, et ça nous donne encore plus envie de traverser le papier pour aller crier à ce couple bancal ce qu’on aurait envie de leur dire ou de leur conseiller !!! On ne reste donc pas indifférent à Junk Love. Ces doublons situationnels sont en outre rythmés par un autre élément d’importance : le fait que la nourriture soit omniprésente dans le scénario ; et jusque dans les titres des chapitres ! Très fréquemment, Min-gyu offre en effet de la nourriture à Ho-gyeong. Le lecteur sait dans quelles conditions il obtient ces denrées : par chapardage, par don ou en l’achetant à moitié prix… Ses actes d’offrandes ne sont donc pas si nobles que ça. Mais dans les yeux d’une Ho-gyeong épuisée par ses journées, c’est l’aide bienvenue qui rend plus confortable une fin de journée : c’est le prix qu’elle accepte pour supporter les mauvais côtés de son amant.

Le titre de cette bande dessinée dévoilait cette tendance nourriture, à vrai dire. L’association de mots Junk Love n’est-elle pas cousine avec "junk food" (malbouffe) ?! CQFD : car Min-gyu et Ho-gyeong vivent en effet dans ce qu’on pourrait qualifier de "malamour" !

Amour et nourriture : une drôle d’alchimie entre deux arts qui se retrouvent là réduits à des obligations quotidiennes (et qui perdent donc de la noblesse qu’ils pourraient avoir dans d’autres contextes) mais qui sont aussi et surtout la colonne vertébrale de la relation entre les deux héros et donc celle de la bande dessinée. Junk Love est une chronique quotidienne moderne et morose que l’on doit à la manhwaga Chaemin qui avait déjà été publiée dans la collection Ecritures des éditions Casterman dans le collectif Corée. Dans un style graphique logiquement proche d’autres manga ou manhwa, c’est une bande dessinée statique dans laquelle on entre comme on pousserait la porte d’un appartement dans lequel il y a de l’ordre à remettre ; côté sentiments.
 

Par Sylvestre, le 13 octobre 2011

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