Koba
Il était connu par l’Administration sous le nom de Joseph Djougachvili lorsqu’il était prisonnier, comme tant d’autres ennemis du tsar, dans un camp au fin fond de la Sibérie. Mais après bien des années, c’est celui que le monde entier connaît sous le nom de Staline qui revenait dans cette fameuse Zone 0049, au camp "Novaya Uda".
A son arrivée, il constata que tout était désert. Que la population semblait être partie depuis une éternité. Staline savait néanmoins pouvoir retrouver une vieille connaissance, et c’est vers lui qu’il est allé : un ami, directeur de musée, qui veillait sur un mystérieux tableau au centre duquel l’homme de pouvoir figurait, entouré d’autres personnes qui, petit à petit, sans qu’on sache comment arrêter le phénomène, disparaissaient de la peinture !
Ce recoin sauvage de l’URSS, cette zone 0049, n’était pas aussi abandonnée qu’elle paraissait l’être. En plus de quelques hères y survivant, un petit groupe d’étonnantes "créatures" y subsistaient. Avaient-elles un rapport avec le déclin de la population ? Avec le mystère du tableau ? Avec Staline lui-même ?
Quand la Mort paraît régner, il reste parfois à l’immortalité quelques pions à placer…
Par sylvestre, le 19 octobre 2014
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Scénariste :
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dessinateur :
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Coloriste :
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Éditeur :
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Sortie :
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ISBN :
9782756035475
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Notre avis sur Koba
Staline est homme de pouvoir depuis longtemps. On sait les crimes qu’il a ordonnés mais on a oublié quelques pans de son passé, notamment lorsqu’il était prisonnier du régime tsariste et qu’en zone 0049, dans le camp de Novaya Uda, il a rencontré un certain Simon Iakov qui a bouleversé son destin…
Dans les froids confins de la Sibérie où il a envoyé mourir des millions de personnes de faim ou dans des camps, Staline revient ce jour-là. Il sait qu’il a vieilli et qu’il ne lui reste plus forcément très longtemps à vivre, aussi a-t-il décidé de retourner sur ces lieux de son passé, lorsqu’il se faisait appeler Koba, et en particulier au musée qu’il a (depuis) fait construire et où se trouve un tableau pour le moins mystérieux…
A l’instar des immenses étendues russes, tout est froid dans cette bande dessinée… La zone 0049 est quasi abandonnée des hommes. Les ambiances y sont glaciales au point d’être oppressantes. Quant aux bâtiments qui sont restés debout, ils sont tous délabrés, hors d’âge… D’étranges êtres – ils sont peu nombreux – comptent parmi les derniers habitants des lieux. Ceux qui les ont croisés ne sont plus là pour en parler. A les voir, jeunes et se promenant nus comme des vers, ont comprend qu’ils sont forcément spéciaux. De là à se demander comment ils se débrouillent pour survivre… Eux en tout cas personnifient une certaine chaleur, celle qui manque aux lieux. Mais malgré cela, malgré cette chaleur qu’ils ont en eux, c’est la peau blafarde qu’ils sont dessinés. Une peau dont la pâleur d’ailleurs est accentuée par les marges des planches, qui se font toutes noires lorsque c’est eux qui sont "en scène"…
L’un des personnages principaux a réellement existé ; c’est Staline. Le reste n’est évidemment que pure fantaisie ! Le scénariste Jean Dufaux aime ça, entremêler le réel et le fantasmé… Et c’est au service d’une histoire intrigante qu’il a recours, dans cette BD intitulée Koba, encore une fois à cette combinaison. Régis Penet, au dessin, se montre talentueux et à la hauteur du challenge. Si quelques représentations anatomiques montrent des faiblesses, ses personnages sont pour la plupart très bien réalisés et tout le reste : décors, bâtiments, objets, paysages, le sont également. Le fait qu’une peinture soit au cœur du mystère permet en outre à l’artiste et au coloriste Nicolas Bastide de différencier les dessins représentant le "présent de l’histoire" (ils sont faits avec des contours) et la peinture elle-même.
Le tout forme un intéressant roman graphique dont la force tient non seulement dans le fait qu’il y est fait appel à l’Histoire mais aussi dans la (double) manière avec laquelle Jean Dufaux a voulu aborder la notion d’éternité, d’immortalité… Car il y a l’immortalité, toute fantastique, dont peuvent jouir des vampires n’ayant qu’à boire le sang de leurs victimes pour survivre. Mais il y a aussi l’immortalité offerte par l’Histoire aux hommes qui l’ont faite, peu importe s’ils resteront dans les mémoires pour le bien ou le mal qu’ils ont fait… Comme quoi l’immortalité est bien de ce monde !
Envoûtante, effrayante, répugnante, séduisante… Cette bande dessinée Koba joue sur les chauds et surtout sur les froids. Captivante, originale, belle, elle offre ce que deux artistes de grand talent savent faire ensemble. Autant dire un travail de grande qualité !
Par Sylvestre, le 19 octobre 2014