L'amour est une haine comme les autres

En 1948, en Louisiane, Abelard surnommé Abe est prêt à mourir. Pris à parti par trois blancs, le jeune noir encaisse coup sur coup. Le sang ne tarde pas à couler et ses agresseurs se satisfont de leur ignoble besogne qui sera appréciée par les hommes du Klan et également par leur patron, Will, seul vrai ami du martyrisé. Pourquoi un tel immobilisme de la part de ce dernier ? Pour en comprendre la raison, il faut se replonger en 1929, au temps où Abe et Will, enfants, jouaient ensemble à l’insu de leurs parents respectifs. Lors d’une course à travers le bayou, Abe est sauvé par Will de la noyade. Très reconnaissant, Abe offre malgré les interdits son amitié à Will et s’engage, eu égard à l’ignorance du rouquin, à l’appuyer intellectuellement. Cette aide permet à Will de prendre la suite de son père dans la manufacture familiale et tout en employant Abe, il bénéficie, sans que les autres salariés s’en doutent, de son enseignement dans la gestion de son affaire. Jusqu’au jour où Will rencontre Gwendolyne, une belle jeune femme qui semble s’intéresser à sa personne. Cette amitié secrète et indéfectible que se partagent les deux jeunes gens ne va-t-elle en prendre un coup ?

Par phibes, le 11 février 2017

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Notre avis sur L’amour est une haine comme les autres

Louis est un artiste complet. Réellement à l’aise aux crayons, ce dernier sait aussi de temps à autre taquiner la plume. Le présent récit en est la preuve formelle et en tant que scénariste inspiré, ce dernier a décidé de nous transporter dans un récit aux dimensions non pas futuristes ou anticipatrices, mais plutôt historiques et beaucoup plus sensibles. Son choix s’est donc porté sur l’histoire de deux garçons de couleurs différentes qui, dans le climat très tendu de la Louisiane des années avant et après-guerre, ont tenté d’entretenir à l’insu de leur entourage une amitié forte.

Dès les premières planches, le ton est donné. Louis nous fait miroiter, via le lynchage d’Abe, un drame à venir. La résignation de ce dernier et la colère contenue de Will que l’on perçoit très rapidement est l’occasion pour le scénariste de nous éclairer sur leur lien à la faveur d’une longue série de flashbacks.

Totalement inspiré par la discrimination raciale de cette époque, le récit défend en quelque sorte l’émergence d’une amitié interdite selon un pacte généreux et pratiquement impossible à tenir, eu égard aux oppositions ethniques en présence. Il ne fait aucun doute qu’à l’appui des nombreuses incursions dans le passé, Louis dresse le portrait émouvant et oppressant de cette partie d’Amérique où des groupuscules blancs comme le Klu Klus Klan font des ravages dans la communauté noire. Les mentalités blanches et noires s’opposent donc et obligent chaque représentant à s’accommoder de cette pression. Abe et Will sont de ceux-là et le témoignent dans leur façon d’agir dangereusement (au sein de leur famille, au travail) jusqu’à qu’un grain de sable enraye la machine.

De fait, l’on sera conquis par cette lecture qui, non seulement véhicule des sentiments forts sur fond de dédain et de perfidie mais aussi se conforme à une certaine authenticité historique. Elle a l’avantage d’être d’une grande clarté et de susciter un attachement fort. Evidemment, le message délivré qui donne matière à réfléchir reste toujours valable de nos jours.

De son côté, Lionel Marty assure une mise en images fortement appréciable. Dans un geste éprouvé, ce dernier nous livre une représentation semi-réaliste généreuse qui fait mouche. Jouant très adroitement sur les époques, l’artiste anime ses personnages dans un climat tendu superbement restitué, grâce à un découpage pleinement efficace.

Une belle pépite auréolée de fraternité à récupérer dans le catalogue de la collection Grand Angle de chez Bamboo.

Par Phibes, le 11 février 2017

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