L'Enfant Nu

Jean et Maryse Chenal avaient le bonheur à leur porte : un travail stable, un appartement avec vue sur mer et ils allaient devenir parents. Mais l’horreur, la mort de leur enfant, s’est abattue sur eux et les a mis à mal. Elle s’est réfugiée dans le mutisme et se gave de nourriture afin d’alimenter ce qui, croit-elle, grandit dans son ventre de plus en plus rond. Quand à lui, il nie son chagrin et repense à sa vie heureuse dans les bras de sa maîtresse. Jusqu’à ce soir d’hiver où un enfant nu surgit sur la plage. Cet enfant aux cheveux longs pourrait avoir l’âge de leur fils mort-né. L’hypothèse vire bientôt à l’obsession.

Par geoffrey, le 12 février 2015

Notre avis sur L’Enfant Nu

Comme Didier Convard (scénariste BD connu par ailleurs pour ses fresques historico-fantastiques tels le Triangle Secret, Neige, Finkel ou Rogon le Leu…) le raconte dans la préface, l’histoire originale de l’Enfant Nu est un roman dont le manuscrit lui a été dérobé. Jean-Blaise Djian et Sébastien Corbet lui donnent corps dans cette BD de près de 200 pages.

Sur fond de drame sans nom – la perte d’un enfant – se joue un drame psychologique où les deux personnages centraux quittent les rives du bonheur et progressent vers l’abîme. L’homme et la femme, hier charmants et pétillants de vie, s’écroulent et perdent pied dans un quotidien de plus en plus sombre. Ils tiennent encore, on ne sait comment, peut-être grâce à la graisse engouffrée par Maryse ou par la vie amoureuse parallèle de Jean. L’apparition d’un enfant nu vient faire craqueler la dernière couche de vernis qui les maintient au genre humain.

Cette histoire surprend au premier abord, car elle ne raconte pas notre époque. Convard et Djian nous plongent en effet dans un autre temps, celui des 30 glorieuses, quand l’ascenseur social fonctionnait, quand d’autres rapports unissaient hommes et femmes, quand existaient d’autres préoccupations de vie. Le trait de Corbet, presque trop naïf avec ses personnages aux nez exagérés, parvient à transmettre la substantifique moelle. Plusieurs flash-backs composés d’esquisses et de crayonnés amènent une chaleur humaine que le présent, dessiné de manière plus froide, dépouillée et charbonneuse, comme vidé de tous lien social, a perdu.

Si une trop grande proximité physique entre la maîtresse et la femme vient parfois compliquer ces allers et retours dans le temps, on l’excuse volontiers devant la marche résolue du récit élaboré pour nous amener au plus près des tourments obsessionnels de Jean. La chute d’un homme nous prend, nous enserre, nous entraîne. Le malaise, comme une eau glaciale jetée à la tête, demeure même après avoir refermé la BD.

Par Geoffrey, le 12 février 2015

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