L'enfer est vide, tous les démons sont ici

Avril 1961. Le monde entier a les yeux tournés vers Jérusalem où se tient le procès d’un des architectes de la "Solution finale", Adolf Eichmann. Jeanne Amelot fait partie des journalistes accrédités pour suivre le déroulé des débats.
L’ancien SS-Obersturmbannführer risque la peine de mort par pendaison…

Par v-degache, le 24 août 2021

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Notre avis sur L’enfer est vide, tous les démons sont ici

Après avoir traité dans son dernier album du combat de Robert Badinter pour abolir la peine de mort (L’abolition, 2019), Malo Kerfriden revient à cette thématique en abordant cette fois-ci le procès d’Adolf Eichmann, l’un des responsables de la "Solution finale à la question juive", qui va se tenir en Israël en 1961, et qui aboutira à sa pendaison. Il retrouve pour l’occasion sa scénariste de L’abolition, Marie Bardiaux-Vaïente.

Les auteurs utilisent le personnage de la journaliste française Jeanne Amelot pour initier le débat philosophique autour de la nécessité d’appliquer la peine de mort, même lorsqu’il s’agit d’un des plus grands criminels du XXème siècle. On croise bien sûr au cours du procès la figure de Hannah Arendt et de sa « banalité du mal », expression qu’elle utilise pour qualifier l’homme jugé pour crimes contre l’humanité, et qui entre en résonnance avec la citation de la pièce de Shakespeare, La tempête, qui sert de titre à la BD : "L’enfer est vide, tous les démons sont ici"…

L’ouvrage parcourt habilement et avec fluidité, grâce à une narration qui évite toute lourdeur didactique, les débats qui entourent la comparution d’Eichmann à Jérusalem. Légitimité de l’application de la peine de mort, construction de l’Etat d’Israël et ses liens avec la "Solution finale", enjeux mémoriels autour de la Shoah, sont ainsi traités au cours du récit. Kerfriden y insère des flash-backs sur la 2ème guerre mondiale et l’exfiltration d’Eichmann de l’Argentine par le Mossad. Le dessin réaliste en noir et blanc pour ces passages y est réussi, le défi de représenter l’indicible aussi, notamment grâce à la maîtrise de l’encrage du Breton. Quant au reste de la BD, le trait y est aussi précis, sans fioritures inutiles. La colorisation est faite uniquement avec du bleu et du jaune pour les parties traitant du déroulé du procès et de ses à-côtés, participant à donner une ambiance bien particulière à l’ensemble.

L’enfer est vide, tous les démons sont ici livre un récit intelligent et passionnant du procès Eichmann, retraçant le déroulement de celui-ci, et réussissant à traiter en parallèle les nombreux débats qu’il a pu susciter.

Par V. DEGACHE, le 24 août 2021

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