L'exilé

Même s’il a commencé avec un comics parodique "Gutsman, Erik Kriek s’est depuis constitué une très sérieuse réputation, avec de nombreux travaux d’illustrations et deux autres albums déjà traduits en France: "L’invisible : Et autres contes fantastiques", paru en 2012 et "Dans les pins : 5 ballades meurtrières" paru en 2015, tous deux chez Acte Sud ! Cependant "L’Exilé" est son premier Roman Graphique d’une telle ampleur, 192 pages qui nous entraînent dans les rigoureux paysages islandais, balayés par la pluie et le froid !

Kriek revient ainsi vers les premiers temps de la colonisation de l’île, quelques familles se sont accaparés des terres et tentent de prospérer dans ce climat particulièrement rude et sauvage ! Le héros, Hallstein, n’est pas un homme innocent et lisse, loin de là, il doit encore vivre avec ses erreurs, assumer ses crimes et tenter de se réhabiliter, malgré les ressentiments qu’il provoque.
L’écriture est réellement bien rythmée, avec ce qu’il faut de moments plus posés, de scènes plus tendues, sans pour autant être prévisibles. Et c’est ce qui fait justement tout le charme de cet album, ce côté imprévisible, ses retournements de situations réguliers, cette façon de caractériser assez finement les personnages, malgré ce filtre rugueux et brut. Ces hommes et ces femmes vivent sur une terre sauvage, ils sont héritiers de ces explorateurs qui, un jour, ont réussi à braver les mers pour aborder ce territoire si particulier.
Toutefois Kriek s’éloigne aussi des gros clichés propre aux récits de vikings, il nourrit les dialogues d’une multitude de références aux dieux, à la culture du Nord, avec des termes dépaysants et parfois même déstabilisants, mais qui rajoutent une savoureuse authenticité qui nous immerge encore plus dans l’ambiance de ce récit atypique !

Les histoires de vikings reviennent de plus à la mode, cette culture intrigue, qu’il s’agisse des séries télé comme "Vikings", des bande dessinées comme "Northlanders" ou "Thorgal", des romans, on s’interroge, on est curieux. D’autant que la mythologie nordique revient aussi au gout du jour avec les adaptations Marvel de Thor. Néanmoins, cet album transpire une authenticité, sans concession, qui légitime complètement la démarche de l’artiste.
On est littéralement fasciné par ces pages ! Les planches sont sublimes, un encrage très contrasté, rehaussé de gris et rouge, créant ainsi des atmosphères presque hypnotiques parfois (surtout les visions cauchemardesques d’Hallstein) !

Une très belle découverte que je ne saurais assez vous conseiller. Une vision qui ne vous laissera pas indifférents !

Par FredGri, le 18 juin 2020