L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

Zidrou est un auteur qui a la particularité de faire feu de tout bois tant ses récits ont l’avantage de se nourrir d’univers très différents. Tantôt avec sensibilité (L’adoption, Merci, Tourne-disque…), tantôt avec une véritable acidité (La petite souriante, Rosko…), tantôt se rattachant au classique (Ric Hochet), tantôt avec légèreté (Chevalier Brayard, Les beaux étés…), l’artiste nous emporte toujours avec une réelle efficacité dans ses récits.

Le présent album ne va pas l’encontre de cette constatation. Certes inspirée du roman éponyme de Romain Puertolas, cette équipée loufoque nous entraîne dans un voyage très spécial vécu par un personnage qui ne l’est pas moins. Assurément, sous le couvert de ce titre à rallonge purement décalé et sans aucune compromission avec l’entreprise d’origine suédoise, Zidrou s’est employé à nous faire vivre en plus de cinquante pages les péripéties vécues par un drôle de fakir dont la perception égoïste du monde va subir des électrochocs au fil des rencontres auxquelles il va être assujetti.

Le rocambolesque prend toute sa place dans ce tome qui nous immerge dans une succession d’événements totalement délirants, au cœur d’une boucle qui va permettre à Aja (le fakir), bonimenteur roublard patenté, de s’émanciper. D’Ikea Paris à Tripoli en passant par l’Angleterre et l’Italie, partageant à cause d’une planche à clous le sort des migrants, fricotant à son insu le monde des stars (Sophie Morceau en particulier), fuyant la vindicte gitane, l’homme au turban nous amuse de ses facéties à rebondissements désopilants. Aussi, bien que profiteur au demeurant, cet arnaqueur de base n’en demeure pas moins attachant par l’humanité qu’il fait naître à chaque rencontre.

La partie graphique a été confiée à KyungEun Park, artiste d’origine coréenne au talent indiscutable (Monsieur Coucou, Haytham, une jeunesse syrienne…). A la faveur d’un trait particulièrement libéré, ce dernier parvient à générer un humour on ne peut plus agréable à déguster. Le burlesque transpire à chaque planche et l’animation dynamique de ces personnages se veut des plus rafraîchissantes. Très inspiré même par cette équipée, il s’amuse, à certains moments, à faire apparaître furtivement dans les halls d’aéroports quelques caricatures de personnalités célèbres ou de personnages d’animation.

Une adaptation d’un voyage extraordinaire humoristiquement et humainement convaincant qui donne envie d’aller lire le roman originel de Romain Puertolas.

Par Phibes, le 20 mars 2018