L'histoire de Sayo

Dès 1934, de nombreux Japonais sont partis vivre dans les provinces chinoises colonisées par leur pays. Sayo enceinte, son mari et leur petite fille Miyako étaient de ceux-là et vivaient en famille à Tsing Tao. Un jour, le mari de Sayo reçut son ordre de mobilisation. La seconde guerre mondiale battait déjà son plein.

Pour ne pas qu’elles restent seules, il fut décidé que Sayo et Miyako iraient chez la sœur de la première, qui vivait également en Chine, à Dairen. Mais le Japon se voyant du côté des perdants du conflit mondial, ses ressortissants installés en Chine subirent la vengeance des Chinois et leurs humiliations ainsi que celles des Russes, que la région intéressait. Pour Sayo et Miyako, comme pour les autres Japonais dans leur cas, la faim, la pauvreté et la crainte d’agressions allaient rythmer leur vie. Le quotidien est vite devenu un enfer…
 

Par sylvestre, le 16 janvier 2011

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Notre avis sur L’histoire de Sayo

Directement inspiré de l’histoire familiale de la dessinatrice Yoshiko Watanabe, ce récit est d’autant plus intéressant qu’il traite de faits que nos livres d’Histoire européens n’abordent pas, ou seulement à coups de cartes géographiques et non au niveau des petits gens. Il s’agit en effet ici de drames qui se sont joués à l’autre bout du monde, quand une partie de la Chine colonisée par les Japonais a vu sa population rendre la monnaie de leur pièce à leurs occupants dès que ces derniers ont été étiquetés parmi les perdants de la guerre.

Il n’est pas certain que sans cette BD, jamais ne nous seraient parvenus des témoignages comme celui-ci que nous transmet Yoshiko Watanabe avec la complicité du scénariste italien Giovanni Masi. D’autres bandes dessinées comme par exemple Femmes de réconfort (6 pieds sous terre) ou Maruta 454 (Xiao Pan) ont effectivement dévoilé avant elle des pans méconnus de la seconde guerre mondiale concernant de près les Japonais, qu’ils furent bourreaux ou victimes. Et il est bien probable que dans le futur, parce que les éditeurs occidentaux s’intéressent de plus en plus aux productions asiatiques, et parce que les pays voisins du Japon ont aussi leur 9ème art, de nouvelles connaissance nous parviennent à propos de ce que fut la seconde guerre mondiale dans cette partie du monde.

Il est important de relever, et c’est tout à l’honneur de l’auteure, que si ses concitoyens d’alors sont montrés dans L’histoire de Sayo comme des victimes (puisque vous les verrez humiliés, affamés, maltraités, volés et battus, voire assassinés), elle aura au préalable introduit son propos avec une certaine honnêteté de jugement par un résumé peu flatteur pour son peuple qu’elle dépeint alors comme un peu scrupuleux et brutal envahisseur… Il n’empêche que la roue tournant, les maîtres d’un temps sont devenus les souffre-douleur de ceux qui ont enfin pu tenir leur vengeance…

Avec un dessin qui siérait aussi bien à un manga pour enfants, c’est un drame qui nous est conté, et il y est question de peur, de séparations, de faim, de mort et de pauvreté… De guerre, quoi. La famille de Sayo est une petite entité, mais elle devient pour l’occasion représentative de toute une population d’expatriés japonais. Miyako étant une toute petite fille et Sayo étant enceinte et sans mari dans la tourmente, ces difficultés qu’elles ont vécues au quotidien paraissent d’autant plus insurmontables. On apprend et on comprend. On ressent… On ressent.

En plus d’être une touchante histoire (et un hommage à ceux qui n’ont pas survécu), L’histoire de Sayo est un superbe livre cartonné de format intermédiaire. Quelques pages supplémentaires dévoilant le côté "coulisses de l’œuvre" complètent en outre les nombreuses planches de la bande dessinée, une bande dessinée témoignage utile autant que le sont toutes les autres qui ramènent à nous les malheurs du passé pour que l’avenir puisse être envisagé meilleur.
 

Par Sylvestre, le 16 janvier 2011

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