L'homme qui dessine

 
Ils s’étaient déjà rencontrés par le passé, et ils ont prévu de se revoir un jour pour travailler ensemble sur un projet commun. Mais cette fois, c’est pour une interview fleuve de Jirô Taniguchi que ledit mangaka et Benoît Peeters se sont retrouvés. En six rendez-vous qui ont eu lieu à Tokyo entre le 22 et le 27 août 2012, ils ont abordé six thèmes et leurs échanges ont été retranscrits dans cet ouvrage, illustrés par une riche iconographie dans laquelle vous reconnaîtrez des extraits mais grâce à laquelle aussi vous serez ravis de découvrir quelques documents dont vous ignoriez l’existence.
 

Par sylvestre, le 28 août 2013

Notre avis sur L’homme qui dessine

Qui s’intéresse à la bande dessinée dit forcément de certains auteurs qu’ils figurent parmi ceux qu’il préfère. Qui s’intéresse à la bande dessinée a donc de fortes chances d’être ravi lorsqu’un ouvrage est publié qui analyse l’œuvre d’un auteur apprécié ou qui présente cet auteur de manière originale. Souvent, ces ouvrages concernent des artistes qui ont déjà fait leurs preuves… Des "pointures", comme qui dirait ! Et c’est le cas aujourd’hui du Japonais Jirô Taniguchi que Benoît Peeters a rencontré et interrogé afin que les lecteurs francophones qui aiment ce que fait ce mangaka puissent profiter d’un moyen supplémentaire pour aller vers son œuvre et cerner sa personnalité.

Jirô Taniguchi n’est pas le premier mangaka à propos duquel est publié un livre revenant sur son œuvre. On citera par exemple le superbe ouvrage des éditions Eyrolles concernant Osamu Tezuka. La différence entre les deux est que ce dernier est un ouvrage posthume alors que L’homme qui dessine s’axe autour de l’interview d’un auteur encore bien vivant ! On n’est pas dans le registre de l’hommage avec ce que ça peut induire de regrets : on est plutôt dans le privilège d’ouvrir "au présent" et en sa compagnie les albums de photos, les archives et les ateliers du talentueux mangaka dont on ne connaît pas toute l’oeuvre, dont on aime les réalisations et dont on sait qu’il va encore imaginer et dessiner du nouveau !

L’homme qui dessine (un titre qui fait volontairement écho au manga L’homme qui marche qui fut la première œuvre de Jirô Taniguchi que le public francophone a découvert) est composé de six parties principales :

– Les années de formation
– Profession mangaka
– Un parcours d’auteur
– Le manga et la bande dessinée
– Le style Taniguchi
– Un regard sur le monde

C’est une interview qui tourne parfois à l’interview croisée à laquelle Benoît Peeters et Jirô Taniguchi nous invitent. Les questions du premier répondent moins à la rigueur d’une interview professionnellement préparée qu’à la logique d’une conversation entre gens qui se respectent, et ce naturel dans les échanges rend vraiment les dialogues faciles et intéressants à lire. C’est une formule déjà utilisée, elle n’a absolument rien de révolutionnaire, mais elle reste bonne et, au-delà de la forme, c’est de toute façon le fond qui est le plus intéressant… On en apprendra plus (et avec ses propres mots) sur la jeunesse de Jirô Taniguchi ou sur ses débuts professionnels. On aura son point de vue sur des épisodes de sa vie artistique ; notamment sur sa collaboration avec feu Moebius (pour Icare), collaboration dont on sentira qu’il en est ressorti un peu déçu, voire amer et avec l’impression de n’avoir pas reçu autant qu’il a bien voulu en donner… On appréciera le regard avec lequel il revient sur son parcours, et, à partir de ses dires retranscrits, on aura l’impression de ressentir son honnêteté, sa gentillesse, sa modestie… On sera aussi étonné par l’emploi du temps d’une de ses journées-type, intéressé par ses méthodes de travail, sidéré de voir comment en sortant aussi peu de chez lui il peut être aussi juste dans ses traitements graphiques ayant trait à des choses dont il n’est pas spécialiste… Et bien des choses, encore !

Le livre, bien que broché, est un beau livre ; et son papier est épais. Bref, tout est bon dans L’homme qui dessine ! Au point que si l’on devait lui faire un reproche (à part dire qu’on aurait aimé qu’il compte moult pages de plus !), on dirait simplement peut-être de son iconographie que, bien qu’elle nous réserve quelques perles, elle s’avère "riche sans trop l’être" : reproduisant beaucoup d’extraits que l’on connaît alors que l’occasion était là de nous offrir beaucoup plus d’inédits et de curiosités, de photos, de croquis, d’essais, de ratés, etc…

Un must pour les fans de cet auteur, une invitation pour les autres à découvrir un artiste mariant avec talent influences japonaise et européenne.
 

Par Sylvestre, le 28 août 2013

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