L'odyssée d'une migrante

 
Etenesh est partie d’Addis-Abeba, en Éthiopie. Elle a traversé d’hostiles contrées désertiques dans de terribles conditions et a subi l’inhumanité de tout un tas de gens qui se sont trouvés sur son parcours avant d’embarquer sur un bateau pour enfin atteindre l’Europe. Pour un coût astronomique, au prix de tortures psychologiques et physiques, elle a fait "le voyage de sa vie" : un voyage que chaque pas qu’elle a fait et que chaque jour qui passait aurait pu transformer en le "voyage de sa mort"…

Welcome.
 

Par sylvestre, le 11 février 2016

Notre avis sur L’odyssée d’une migrante

 
C’est en 2011 qu’est parue cette bande dessinée en Italie, à une époque où c’est très régulièrement qu’on entendait parler de Lampedusa non pas pour ses plages, parmi lesquelles une a été classée la plus belle du monde, mais pour son centre de transit bondé de migrants ayant tenté – et donc réussi – leur traversée vers la terre européenne. Les migrations ne sont pas une nouveauté ; elles ne semblent pas non plus devoir cesser… Il y a quelques dizaines d’années, c’était les boat people asiatiques qui faisaient l’actualité. Aujourd’hui, et même si les parcours géographiques diffèrent en fonction des feux qu’allume la géopolitique, ce sont les réfugiés africains ou moyen-orientaux qui convergent vers notre monde occidental, ses richesses et ses promesses.

Combien romanesque pourrait être l’aventure ! Partir de son pays en guerre, pauvre et corrompu pour aller décrocher sa chance sur un autre continent où tout est possible ! Malheureusement, les choses ne sont pas si hollywoodiennes et les témoignages de ceux qui finissent par atteindre leur but sont éloquents. Il y a le fait de s’arracher à sa famille, à sa terre, à sa culture. Il y a le problème financier et les conséquences que peut avoir le coût d’un tel périple sur ceux qui restent au pays. Il y a aussi le fait qu’on n’est pas forcément attendu à bras ouverts là où on compte s’installer. Et pire, sans doute, il y a le voyage et les conditions dans lesquelles il est fait.

Etenesh raconte le parcours d’une Éthiopienne qui ne sera pas forcément représentative de tous les autres migrants du monde mais qui pourra devenir leur ambassadrice à nos yeux et à nos cœurs de lecteurs. Sur son chemin vers l’Italie, elle franchit de multiples obstacles successifs, parmi lesquels la soif, la faim, la peur, la fatigue, la dépossession ou la promiscuité : autant  d’épreuves imposées par un itinéraire loin d’être une promenade touristique… Mais elle nous raconte aussi que les pires moments lui furent imposés par les hommes : brutalité, humiliations, incarcération, privation des droits, sévices, indifférence, chantage, vol… Une véritable collection de moments absolument terribles !

Le comble, c’est qu’on sait qu’après toutes ces épreuves du voyage vers l’Europe se présenteront les épreuves de l’intégration. Or, un problème des migrants est l’accueil qui leur est fait : on ne les associe souvent trop rapidement qu’au fait qu’ils risquent de devenir les parasites d’une société qui ne les attendait pas, qui n’avait pas besoin d’eux. Mais où est l’humain dans tout ça ? Pour quelques migrants malhonnêtes, combien de martyrs ont tout donné pour avoir simplement le droit de vivre dans un pays où la paix règne ? Ce récit de Paolo Castaldi ne nous fait suivre qu’une personne, Etenesh, mais la lecture de cette BD nous aide à mieux ressentir certaines choses plus générales. On s’identifiera plus facilement à quelqu’un qu’on a suivi (et qu’on connaît donc peut-être un tout petit peu mieux, à qui on accordera plus de confiance) qu’à un pauvre hère attendant dans un centre de rétention qu’on le considère comme autre chose qu’un futur bandit, et au final, on se rendra compte du calvaire de ces centaines de milliers de gens qui fuient leur pays en laissant tout sans certitude que demain sera meilleur.

Le dessin de Paolo Castaldi est, c’est dommage, un peu trop stylisé : ce style qu’il adopte là siérait sans doute mieux à un conte quand plus de réalisme aurait été bienvenu dans pareil cas. Car c’est clair : si le Sahara peut rendre poète, celui qu’a traversé Etenesh est bien différent ! Après les planches de la bande dessinée, vous lirez l’interview par l’auteur d’un migrant éthiopien qui lui a inspiré l’histoire d’Etenesh. Ainsi qu’un texte signé Amnesty International, partenaire des éditions Des ronds dans l’O pour cette BD.

Un récit fort, un récit très dur. Et une fin heureuse, mais pour combien d’autres destins brisés sur les chemins de l’exil ?
 

Par Sylvestre, le 11 février 2016

Publicité