L'ombre de l'Aigle

En 1812, aux abords de Sbodonovo, Napoléon Bonaparte scrute du haut d’une colline l’avancée de son armée face à l’adversaire russe. Alors que les troupes françaises croulent sous les boulets de leur adversaire les écharpant ou les poussant à battre en retraite, sur le flanc droit de la bataille, un régiment isolé fonce fièrement, aigle au vent, vers les lignes ennemies. Surpris par cette initiative à l’honneur de la France, le petit Caporal mande un de ses généraux pour qu’il identifie le régiment en question. La surprise est de taille, il s’agit du 326ème, un bataillon d’infanterie constitué d’anciens prisonniers espagnols. A les voir, les hommes de ce régiment, unis sous la mitraille, chargent sans coup férir tels de véritables toréadors. Craignant que cette détermination se solde dans une affreuse boucherie, Napoléon ordonne à Murat d’épauler avec sa cavalerie la charge héroïque du bataillon espagnol. C’est sans savoir que les hommes de ce dernier n’ont qu’une intention, celle de déserter et d’intégrer l’armée russe.

Par phibes, le 5 septembre 2017

Notre avis sur L’ombre de l’Aigle

Après Les insoumises, Ruben del Rincon reste dans les ambiances guerrières pour nous entraîner avec ce nouveau one-shot durant les guerres napoléoniennes. Pour ce faire, il a pris pour parti d’adapter la nouvelle écrite par le romancier espagnol Arturo Pérez-Reverte en 1993, nouvelle ayant la particularité de s’inspirer d’une histoire fictive basée sur des faits réels se rapportant à une période de la Campagne de Russie de 1812.

Sous la forme d’une narration copieuse à la tonalité caustique portée par un des fantassins espagnols du 326ème, le récit nous plonge dans les pérégrinations de ce bataillon pris en tenaille par le regard scrutateur de Napoléon et par les assauts meurtrissant de l’adversaire russe. Si l’action est héroïque, la motivation de ce régiment est toute autre. En peu de pages, l’on découvre ce qui anime réellement ces forcenés espagnols un tantinet galvanisés et par ce biais, l’escapade tragique dont il est question donne une orientation pour le moins surprenante.

Jouant sur la mauvaise perception des grands chefs du déroulement des combats et sur la méprise qui en découle, cette équipée guerrière ne manque pas d’égratigner ceux qui mènent la guerre au détriment de ceux qui la font. De Napoléon (surnommé le nain) à Murat en passant par d’autres, tous ces grands qui ont donné leur nom à l’Histoire sont ici volontairement caricaturés. L’intention de de montrer du doigt l’horreur de la guerre est de fait visible et verse généreusement dans le risible mordant. On se gausse donc bien volontiers tout en dissimulant toutefois un certain malaise initié par l’immense tuerie décrite et surtout par le détachement abject des plus hauts gradés.

La partie graphique réalisée par Ruben trahit la grande forme de ce dernier qui, de son style semi-réaliste, parvient à traduire avec beaucoup de dynamisme et de force l’horreur de la guerre dans toute sa splendeur. D’une œillade humoristique maîtrisée et d’un geste enlevé, l’artiste parvient à distraire mais aussi à nous faire réfléchir sur les atrocités perpétrées.

Une histoire de la Grande Armée menée tambour battant, traitée à la fois avec humour et acidité. Une très bonne adaptation du roman d’Arturo Pérez-Reverte signée Ruben !

Par Phibes, le 5 septembre 2017

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