L'ours de Ceausescu

En Roumanie, lors d’une apparition publique de Ceausescu, une jeune femme se prénommant Iréna est kidnappée par deux hommes alors qu’elle tenait des propos subversifs vis-à-vis du dictateur. Elle se retrouve menottée dans le couloir d’un bâtiment à côté d’un individu lui-même entravé ayant subi préalablement un entretien avec un agent de la Securitate, la police politique. Ils rejoignent bientôt dans une pièce un autre homme, d’âge mur et poète de métier, qui a été arrêté pour détention d’une machine à écrire capricieuse et qui se voit interrogé par un policier. Apparait alors un individu habillé en clown qui reçoit immédiatement une sacrée gifle du geôlier. Les quatre prisonniers sont rejoints bientôt par une jeune fille Ana qui a eu des soucis avec des chaussures de luxe et ensuite un policier ripou pro-américain. Pourquoi ont-ils été réunis dans cette pièce ? Est-ce en rapport direct avec le despote Ceausescu ?

Par phibes, le 29 mai 2022

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Notre avis sur L’ours de Ceausescu

Aurélien Ducoudray, ancien reporter et auteur bien prolifique, aime à narrer les dictateurs au sein de fictions particulièrement croustillantes. Après L’anniversaire de Kim Jong-il et Camp Poutine, ce nouvel album vient compléter le tableau selon le même concept en se focalisant sur Ceausescu, l’homme d’Etat roumain surnommé le Conducator, et bien sûr le régime totalitaire qu’il mit en place.

Cette histoire a la spécificité de se décliner en plusieurs volets dédiés chacun à un des personnages pris dans les griffes d’une gente policière qui les regroupe dans une pièce isolée pour un dessein bien mystérieux. Via l’interpénétration d’une secrétaire, d’un étudiant recalé, d’un poète, d’un clown, d’une femme de ménage et d’un flic ripou, le scénariste fait en sorte de relater des anecdotes qui se veulent inspirées de faits réels (preuve qu’Aurélien Ducoudray a réalisé de grosses recherches) et les a pour le moins extrapolées pour bien camper, de manière caricaturale certes, la dureté du régime de Ceausescu et son inhumanité.

Il en ressort une évocation qui se veut bien intrigante pour ne pas dire déstabilisante eu égard à cette oppression ambiante mise en exergue. Il va de soi qu’au fil des pages, le mystère de ce regroupement de personnes aux conditions modestes et sans aucune influence sur Ceausescu à prime abord reste entier et met en avant parfois des situations extrêmes. Ce n’est que vers la fin, au bout de plus de cent pages, que l’on comprend enfin les raisons, des raisons toutes en surprises qui malgré tout ont un soupçon de véracité.

La partie graphique est confiée à Gaël Henry, jeune dessinateur à la plume épaisse et libérée. Comme il nous l’a démontré précédemment dans Kill Annie Wong ou Tropique de la violence, l’artiste use d’un semi-réalisme assez exacerbé, déformé qui lui convient et qui permet de délivrer un message dans une tonalité visuellement dégradée et on ne peut plus efficace dans ses aperçus.

Une histoire complète excellente qui vaut pour son caractère grinçant et son côté exacerbé, et qui dénonce avec une réelle efficience le totalitarisme dans sa déchéance.

Par Phibes, le 29 mai 2022

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