LA CREVETTE

En cet hiver 1958 pour le moins frigorifiant, Aline et Brigitte se rendent à leur travail. Elles sont vendeuses de sous-vêtements féminin dans la boutique dénommée Divine de Paris appartenant à la famille Laffite, de père en fils depuis 1920. Pour le moins à la bourre, les deux jeunes femmes retrouvent, sous l’œil fixe et bienfaisant de Toinette, le mannequin de la vitrine, leur responsable, Madame Ledoyen. Ce jour est exceptionnel puisque c’est celui de la livraison de la nouvelle collection printemps-été. Or, le camion est en retard et Monsieur Séraphin, le patron, ne supporte pas ça. Alors qu’Aline retrouve tranquillement ses collègues, le styliste Augustin et Eve, la femme de ménage, ils sont témoins de l’arrivée impromptue du maître des lieux. Celui-ci est en colère car le camion de livraison a eu un accident et la cargaison s’est retrouvée à la rivière. C’est donc la catastrophe et tout le monde profite des cris de Monsieur Séraphin, inconsolable. Dans le chahut ambiant, Aline se dirige vers les toilettes et tombe nez-à-nez avec son patron assis sur la cuvette. C’est ainsi qu’elle découvre le secret de celui-ci et le sobriquet qui l’accompagne, la crevette.

Par phibes, le 27 février 2025

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Notre avis sur LA CREVETTE

Benoit Zidrou et Paul Salomone se retrouvent à nouveau après leur récit fantastique Celle qui fit le bonheur des insectes paru chez Daniel Maghen. Mis à l’honneur cette fois-ci par les éditions Le Lombard, les deux artistes viennent nous conter une histoire en pleine époque rock and roll qui fleure bon la comédie romantique et qui nous plonge dans les ambiances feutrées d’une boutique parisienne de sous-vêtements féminins.

Avec un titre comme celui-ci, l’on pourrait se poser en premier lieu la question du lien entre le commerce de lingerie fine et le fameux petit crustacé. A cet égard, le scénariste très averti et multigenre Zidrou n’a pas manqué d’assurer la liaison entre les deux et ce, d’une manière certes originale et surtout bien risible.

C’est ainsi que sous le regard figé d’un mannequin dénudé, Toinette, et de ses commentaires généreux, l’auteur s’est amusé à nous faire vivre les tribulations du propriétaire d’un magasin ainsi que de ses collaborateurs. Usant d’une tonalité légère comme il sait le faire, employant des expressions particulièrement savoureuses dans leur tournure (celles de Madame Ledoyen sont excellentes), faisant venir de loin les péripéties (à déguster dans les premières planches), l’auteur prend ses sources dans les différences du genre humain. A l’appui de ces dernières, il n’hésite pas à titiller le déraisonnable, mais avec subtilité, cocasserie et tendresse, sans vulgarité aucune, avec des personnages qui restent des plus attachants.

Paul Salomone conforte ce sentiment de délicatesse à la faveur d’une partition graphique toute en tendresse et finesse. Sous l’apparence d’une évocation en couleurs directes, l’artiste met en exergue un Paris de la fin des années 50 particulièrement représentatif et bien documenté, avec des personnages à l’effigie soigneusement travaillée. Aline, pour la citer, est craquante dans ses postures, ses regards de biais, ses diverses tenues vestimentaires qu’elle partage avec la généreuse Brigitte. Il ne fait aucun doute qu’il y a de l’harmonie dans cet album et qu’elle commence par ce coup de crayon bien aiguisé.

Une romance tendre, finement ficelée, décomplexée et aux armatures bien solides.

Par Phibes, le 27 février 2025

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