La dernière image
L’auteur Gani Jakupi habitait en Espagne lorsque la guerre a pris fin au Kosovo, en juin 1999. Et comme il était originaire de cette région des Balkans, un magazine espagnol lui a proposé d’y retourner, accompagné d’un photographe, et d’en rapporter un reportage.
Le fait est que Gani Jakupi avait perdu contact avec ses parents pendant le conflit. Le magazine avait donc flairé le scoop vendeur en achetant, en quelques sortes, l’exclusivité des retrouvailles de l’auteur avec les membres de sa famille qu’il retrouverait.
Dès les premiers pas du reportage, il fut incontestable que l’approche qu’avaient sur leur voyage commun Gani Jakupi et son photographe Domingo n’était vraiment pas la même. Ce qui se confirma sur place…
Par sylvestre, le 18 juillet 2012
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Éditeur :
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Collection s :
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Sortie :
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ISBN :
9782302020627
Notre avis sur La dernière image
La guerre s’est officiellement terminée au Kosovo au mois de juin 1999, date à laquelle les Nations Unies ont instauré un protectorat sur ce petit territoire qui, serbe mais à population majoritairement albanophone, reste avant tout comme bien d’autres zones en ex-Yougoslavie un patchwork ethnique et donc le creuset de fortes tensions palpables et de latents désirs de vengeance au lendemain d’un conflit qui a vu s’entredéchirer parfois dans la plus grande horreur des gens jadis bons voisins…
L’auteur de bandes dessinées Gani Jakupi vit en Espagne, mais il est d’origine kosovare. L’opportunité lui a été proposée de retourner dans son pays fraîchement meurtri et d’en ramener un reportage, ses textes devant être appuyés par les photographies prises par un compagnon de route qui lui a été adjoint.
Gani Jakupi était donc parti pour parler de son pays et des Kosovars. Il avait même accepté d’être le sujet de son reportage qui devait couvrir les retrouvailles qu’il allait vivre avec les siens dont il avait été coupé durant d’angoissants mois. Mais cette bande dessinée La dernière image ne parle pas exclusivement de ça. Et pour plusieurs raisons, la principale étant sans doute à chercher dans le rapport qu’a eu au Kosovo Gani Jakupi avec les reporters qu’il a côtoyés. Relations qui ont conduit à une bancale puis orageuse collaboration entre lui et son photographe devant déboucher à terme sur l’annulation pure et simple de la publication du reportage qu’ensemble ils étaient partis faire !
Ainsi La dernière image fait renaître ces souvenirs, donnant autant de poids au regard qu’aura posé son auteur sur les journalistes lâchés au Kosovo que sur la situation du pays et de ses gens elle-même. Car Gani Jakupi ne pouvait forcément pas avoir la même approche des sujets que les autres professionnels de l’information puisque lui était concerné beaucoup plus personnellement qu’eux par le conflit et les drames qu’il a engendrés. D’où ce décalage entre sa manière de se comporter là-bas et celle de la plupart des chasseurs d’images vendeuses qui pullulaient autour de lui, concentrés sur la mise en scène de leurs photos choc au risque de se prendre une balle ou mus par ce maladif besoin de dénicher et de s’approprier le scoop qu’aurait été par exemple un charnier que personne n’avait photographié avant; scoop bien évidemment synonyme de quelques sous en plus sur le compte en banque !
Loin de mettre tous les reporters dans un même panier, Gani Jakupi sait dans ses pages rendre hommage à ceux qui à son sens le méritent. Il partage d’ailleurs ses réflexions sur ces attitudes des reporters ou sur la valeur qu’il leur reconnaît au-delà des planches de la BD, dans un cahier donnant en fin d’ouvrage la parole à certains.
Si son reportage était paru en 1999, dès son retour, moins d’eau aurait coulé sous les ponts et Gani Jakupi aurait moins eu le temps de prendre du recul sur tout cela. S’il avait dû faire un reportage dans un pays dans lequel il n’avait pas de racines, les choses en auraient été autrement, également. Mais au final, aujourd’hui, en 2012, La dernière image voit logiquement son thème premier (la situation dans le Kosovo de l’après-guerre) se faire croquer par cet autre thème du journalisme insolent, l’auteur ayant nourri depuis son séjour au Kosovo en 1999 l’envie de dénoncer certaines pratiques des journalistes de guerre et en en faisant de cette BD l’exutoire.
La dernière image est donc intéressante à bien des titres et captivera autant les amateurs d’auteurs comme Joe Sacco que ceux d’albums comme ceux de la série Le photographe ou pourquoi pas de films comme Harrison’s flowers de Elie Chouraqui. Avec ses couleurs choisies sur une palette réduite, cette bande dessinée à la fois personnelle et très ouverte de Gani Jakupi est à découvrir dans la collection Noctambule des éditions Soleil.
Par Sylvestre, le 18 juillet 2012
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