La fille

Au réveil, la fille enfile ses bottes, son short de cuir et enfourche sa moto. La fille quitte l’homme et roule pleins gaz vers une autre aventure. En chemin, la fille rencontre un petit cow-boy aux longues moustaches qui à chaque fois qu’il tire un coup grandit de plusiseurs dixaines de centimètres…

Par melville, le 7 avril 2013

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Notre avis sur La fille

Cet album de bande dessinée de Christophe Blain s’accompagne d’un CD contenant enregistrés la voix off du récit par Barbara Carlotti, ainsi que les dialogues principalement interprétés par Barbara Carlotti, Christophe Blain, Bluch et Arthur H.

A l’heure où le numérique avec la lecture sur tablettes et les problèmes de surproduction agitent le monde de la bande dessinée, et à quoi s’ajoute le point de vue des lecteurs qui face à l’augmentation réelle du coup des livres sont désormais contraint à des achats plus mesurés : la question de la pertinence de publier tel ou tel album se pose. Question à laquelle Marc-Antoine Mathieu avec son dernier opus de Julius… (Delcourt) et Christophe Blain avec En cuisine avec Alain Passard (Gallimard) ou encore davantage avec le présent album répondent tout les deux : c’est l’audace artistique qui « justifie » le papier !

Expérience unique et hybride qui repousse les limites même de son support, La fille est une œuvre expérimentale follement captivante. Christophe Blain retravaille et illustre un récit imaginé il y a de cela quelques années, Barbara Carlotti le met en musique par la voix et par les notes. Sur la page de gauche le texte, dialogues et chansons, sur la page de droite les dessins, muets. Pendant une heure et quelques minutes la voix de la chanteuse aux subtiles nuances de timbres passant au grès des péripéties de suave, à mélancolique, à souriant et malicieux, nous transporte vers un ailleurs. Dans un temps suspendu, les mots et les sons (les bruitages rythment le récit) entrent en alchimie avec les dessins, qui – et c’est là le coup de génie – ne sont pas la simple illustration du texte mais belle et bien une interprétation graphique. Dès lors le « support » bande dessinée retrouve tout son sens ! Travaillant une mise en couleur claire à base de jaune, bleu et rouge primaires et une recherche de la dynamique des corps, Blain et Clémence Sapin saisissent le regard du lecteur qui le temps d’une chanson trouve le loisir de s‘attarder sur les planches.

La fille, l’homme, le cow-boy… Aucun des personnages n’a de nom propre, mais tous sons désignés par un article défini. De cette manière Blain rend son récit à la fois énigmatique et universel ; étrangeté qui fait écho à la bande originale électro-pop et magnétique. Insufflée par la musique, une atmosphère terriblement érotique embaume le récit. Fétichisme du cuir et des motos, fantasme de l’amazone, kamasoutra, libertinage et amour fou, tout le récit de Christophe Blain est érotisme, jusque dans la voix de Barbara Carlotti.

Cette histoire est donc la version longue d’une courte nouvelle écrite pour le numéro spécial de Pilote « 69 année érotique » (Dargaud, 2009). Elliptique, la nouvelle contenait déjà tous les éléments, personnages et étapes clés, du présent récit. Christophe Blain l’a étoffé et la transformé en un conte sensuel. L’érotisme du récit s’incarne bien sûr dans le l’histoire et les mots mais aussi dans ce rapport aux sens. La vue avec les couleurs qui excitent l’œil, l’ouïe séduite par la voix envoutante de Barbara Carlotti, le toucher au moment où l’on caresse les pages en les tournant et jusqu’à l’odorat avec ces effluves d’encre enivrantes que les amateurs de BD respire à pleins poumons comme pour un shoot.

Road-movie débridé et passionant, La fille est un grand coup de cœur ! Une œuvre singulière de l’un des auteurs les plus talentueux du moment : assurément un must à lire et à écouter d’urgence !

Par melville, le 7 avril 2013

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