La folle histoire des soeurs Papin

 
Au printemps 1926, à respectivement 21 et 15 ans, Christine et Léa Papin deviendront domestiques au service de la famille Lancelin. C’est chez ces employeurs qu’elles logeront et c’est pour eux qu’elles travailleront 6 jours et demi sur 7 pendant plusieurs années. Jusqu’à ce qu’un beau jour de février 1933 (selon ce qu’en a retenu le monde en tout cas), une attitude et un geste de Mme Lancelin perçus comme menaçants par Christine poussent cette dernière à vouloir se protéger et se défendre, ce qui la conduira, avec la participation de sa soeur, à assassiner sauvagement sa victime et sa fille qui avait le malheur de se trouver avec elle à ce moment-là !

Comme l’affaire des horribles crimes commis par le couple Anjubault peu auparavant, l’affaire des soeurs Papin choquera la région sarthoise. Leur procès ensuite captivera la population, une population assoiffée de détails et de réponses…
 

Par sylvestre, le 19 avril 2023

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Notre avis sur La folle histoire des soeurs Papin

 
Les faits divers sont innombrables et les canaux d’information sont tels que, de nos jours, on est submergés d’histoires. Mais ça n’a pas toujours été le cas, et quand une affaire un peu plus hors-norme qu’une autre se déclarait "à l’époque" et qu’elle captivait les foules, ne restait qu’à chercher les articles dans les journaux ou pourquoi pas se mettre à l’affût des brèves à la radio.

Les affaires qui trouvent une issue finissent tant bien que mal par se faire oublier mais celles qui n’ont pas livré tous leurs secrets peuvent continuer d’intéresser longtemps. On pense par exemple à l’affaire du petit Grégory ou à l’affaire du MH370, mais il y en a plein d’autres ! Et elles passionnent généralement d’autant plus qu’elles concernent des célébrités ou s’il y est question de sexe ou de barbarie…

L’affaire des soeurs Papin est de celles-là : les faits (il est question de violence extrême) sont connus et les coupables ont été punies mais de nombreuses zones d’ombre subsistent néanmoins. Au sujet des motivations, à propos des attitudes… Voilà qui n’a pas manqué d’intéresser la psychanalyste Isabelle Bedouet qui s’est lancée dans les recherches et qui a réussi d’une part à reconstituer l’histoire et d’autre part à pointer du doigt des éléments troublants. De ceux qui interrogent ou de ceux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du public ou du tribunal à l’époque, auraient peut-être joué sur les opinions ou les verdicts…

Dans cette bande dessinée, on sent le travail de recherche effectué : on imagine l’autrice allant consulter les archives, les registres, les journaux d’époque et jubiler à chaque nouvelle trouvaille devenant une pierre de plus à son édifice ! Les amateurs de puzzles comprendront mieux que d’autres l’attraction qu’exerce sur "l’enquêteur" ce genre de recherches.

Et ainsi nous est contée La folle histoire des soeurs Papin et de cet ahurissant crime qu’elles ont commis. La BD commence par des présentations de la famille Papin qu’on devine être le résultat de recherches dans des registres d’état civil. Puis c’est au tour des Lancelin, les victimes, de nous être présentés. Mais pour étoffer son histoire autant que parce qu’il était important de le connaître, Isabelle Bedouet s’est aussi attardée sur un autre fait divers en certains points comparable, et qui avait secoué Le Mans et la Sarthe lui aussi très peu de temps avant : l’affaire Anjubault. Suivent ensuite les chapitres relatifs à l’enquête, au procès, à l’incarcération des soeurs Papin…

Beaucoup de texte est à lire ; le dessin est plus "illustratif et équilibrant" que vecteur, pourrait-on dire. Force est de constater que dans ce récit on n’est pas toujours dans l’action et une planche ou l’autre est ainsi parfois composée exclusivement de vignettes montrant toutes la même personne dans la même position ! En effet, c’est le travail d’investigation qui prime, c’est l’information. Et malheureusement, on ajoutera que les dessins d’Isabelle Bedouet n’ont rien de vraiment très charmant. Elle qui a suivi des études artistiques semble avoir opté pour un style figé cousinant avec l’art naïf. Il aurait presque fallu que son dessin soit plus sale, en définitive ! Un poil plus flou, peut-être aussi. Le résultat aurait été encore plus spectral, plus dérangeant ! Et le propos s’y prête ! Alors que là, le fait que ses surfaces volontairement "tremblantes et torturées" soient délimitées par des contours bien marqués fait ressembler ses dessins à des productions d’enfants plutôt qu’à des travaux semblant maîtrisés.

Isabelle Bedouet a déjà publié un livre sur le sujet, en 2016. (D’autres titres existent qui relatent cette affaire, soit dit en passant, et notamment une autre BD.) Sans doute voulait-elle donc s’exprimer graphiquement, proposer son art, utiliser toutes les cordes de son arc ? On ne saurait lui reprocher. Mais malheureusement, son style graphique est assez rebutant et pourrait pourquoi pas détourner les candidats à la lecture vers les autres titres qui existent, justement.

L’histoire du crime commis par Christine et Léa Papin est en tout cas une sacrée histoire ! Une histoire pas toute récente mais pas si vieille que ça non plus, et ce côté contemporain ajoute d’ailleurs sans doute à notre hébétude ! C’est une histoire où les caractères des personnages ont toute leur importance, où les silences sont pesants voire agaçants, et où des tas de questions restent en suspens, ce qui nourrit suppositions et légendes, ce qui fait de cette lecture un appel à vouloir nous aussi mener notre enquête !

A découvrir. Brrrrrr !
  
 

Par Sylvestre, le 19 avril 2023

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