La Genèse

"Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut…"

Robert Crumb nous donne, dans cet album prépublié pendant l’été 2009 dans Télérama, sa version de la genèse et de ses 50 chapîtres. Tout en gardant les textes (en se basant sur la traduction de Robert Alter et sur celle qui date de l’époque du roi Jean). C’est l’occasion de replonger dans ce texte essentiel, de retrouver l’une des sources de notre civilisation.

Par fredgri, le 11 janvier 2010

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Notre avis sur La Genèse

J’ajouterais aussi que Crumb n’a pas réinterprété le texte de la Genèse, il est resté très fidèle au message, aux écrits, sans tomber dans la pastiche facile. Ici c’est un véritable travail de documentation très respectueux des choses qui doivent se dégager de ce texte sacré. Ce qui fait qu’en soit cet album est certainement ce que j’ai lu de plus aboutit de Crumb, mais aussi de moins personnel dans les thématiques. C’est simplement magnifique de bout en bout, un superbe travail d’illustration ou se glisse par-ci par-là, malgré tout, le regard intransigeant d’un auteur pas si sage en fin de compte.

En effet, en reprenant tel quel le texte d’origine, Crumb met, sans en avoir l’air, le doigt sur certains de ses aspects les plus "discutables". Dieu donnant ainsi l’impression d’être plutôt très partial, misogyne, avec des malédictions pour le moins étranges et expéditives, sans parler des promesses faites complètement disproportionnées. Crumb force donc par-ci par-là certaines expressions, certains traits de caractère, sans tomber dans la déformation, il entre ainsi dans la logique métaphorique du texte sans forcément le détourner, ni même trahir le message. Crumb nous a peut-être habitué à être beaucoup plus impliqué, de façon moins subtile et le premier regard qu’on porte sur cette "Genèse" façon Crumb, nous donne l’impression d’un album, peut-être très beau graphiquement, mais pas très engagé. Toutefois, en regardant plus attentivement, on se rend compte que l’artiste est plus acteur qu’il ne voudrait l’admettre, son Dieu est un vieil homme effrayant, au regard dur et intransigeant, son Adam est un jeune benêt sans personnalité, Eve correspond bien au canon féminin cher à Crumb.
On se rend aussi compte que cet Ancien Testament est un texte très violent, arbitraire et pas toujours très humaniste. Car, bien sur, si l’artiste n’a pas déformé la Genèse, il ne l’a pas non plus embellit exagéremment, ce qui donne des passages très moraux, mais aussi certains autres plus ambigues (La tour de Babel, Lot et ses deux filles, Judah et Tamar…). C’est donc l’une des très grandes qualités de cette adaptation, rester fidèle aux textes et révéler à la fois la grandeur des messages et les limites d’une éventuelle réinterprétation, écueil sur lequel se sont précipitées des générations de croyants auparavant. Peut-être que le message de Crumb tend à vouloir prouver qu’avant tout ces textes sont à prendre avec des pincettes, que l’enseignement à en tirer est davantage humain que divin, mais surtout que, malgré leur caractère essentiel, ces 50 chapîtres ne sont que des paraboles qui ont été ensuite décortiquées, déformées, de plus elles préfigurent le nouveau testament et n’ont pas complètement cet aspect évangéliste illuminé qu’on retrouvera plus tard. Ici on se rapproche en quelques sorte des légendes fondatrices qui servent de matrice pour ce qui va suivre. D’ou un certain côté assez brut, moins propre sur soi. Parfait pour un artiste comme Crumb en quelque sorte !

Cela faisait longtemps que je n’avais posé les yeux sur la Bible, j’avais oublié le côté "mauvaise écriture" de cet Ancien Testament ou tout du moins pas très littéraire, j’ai du quand même revenir sur les textes à plusieurs occasions et me rendre compte ainsi de cette lourdeur dans la plupart des phrases, de ces suites de noms à n’en plus finir, de ces portrait résumés le plus souvent en à peine quelques mots et de cette façon expéditive de régler telle ou telle histoire. C’est donc globalement très lourd et assez pénible à lire. Mais, honnètement, le travail de Crumb est remarquable, il arrive à rendre une matière comme cette Genèse passionnante et vivante. Et même si je ne suis pas croyant (et ça n’est pas le débat), même si tout ça c’est assez lointain pour moi, je me suis souvenu de mes anciennes séances de catéchisme, de cette fascination que j’avais pour ces récits, cette mythologie, et je me suis très vite retrouvé complètement happé par ces planches…

A près de 68 ans, Crumb reste l’une des figures les plus importante dans le milieu de la BD indés, avec un style sans faille, très varié, il dépeint avec la même virtuosité des gros plans, des scènes plus intimistes et des batailles, chaque case est une leçon de Bande Dessinée et ce projet qui lui pris 5 ans de sa vie est en passe de devenir l’un des monuments modernes de la BD contemporaine. Un pavé indispensable, qui après avoir eu une prépublication estivale dans Télérama en 2009, est sorti en même temps en France et en Angleterre en Novembre.

Je ne sais pas si vous êtes bien attiré par tout ces textes fondamentaux, mais je vous encourage à vraiment vous pencher sur ce pavé qui montre que ces écrits sont à la fois très accessibles, encore pas mal d’actualité, malgré tout et surtout qu’entre les mains d’un grand artiste comme Crumb ils peuvent aussi devenir très vite fascinants.

Par FredGri, le 11 janvier 2010

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