La Meute

Cyril Herry a choisi de développer son récit à partir de deux faits divers d’une relative banalité. Son but, en effet, est d’installer l’histoire dans le quotidien de tout un chacun pour mieux dénoncer la médiocrité, voire la noirceur, dont peut parfois faire preuve l’être humain.

Les affaires sont ainsi vues à travers le regard de nombreux personnages. Chacun y va de ses commentaires. La petite vieille, le chasseur, la pharmacienne… Le pathétique n’est jamais loin, les protagonistes, le plus souvent, apportent une vision partielle et partiale des faits et des acteurs du drame, sans les connaître pour autant. On parle dans le vide, on écoute dans le vide…

Heureusement, le lecteur retrouve, entre ces scènes, les deux ados en fugue dans la forêt, ainsi que quelques jeunes qui apportent émotion et humanité à ce village de moutons.
On croise aussi le loup, de temps en temps, furtivement.

L’auteur distille ainsi une ambiance très particulière, sans dire qu’elle soit réellement inquiétante. Il sait aussi insuffler un vrai suspense car on lit l’album sans jamais décrocher, trop impatients de connaître le dénouement. L’auteur laisse d’ailleurs travailler nos méninges. Il se garde bien de tout révéler clairement. On devine alors, en lisant entre les lignes, des drames et des souffrances, tous couverts par le silence. Le livre souligne ainsi cette étrange mécanique qui fait que les gens peuvent dire bien des choses fausses ou erronées, tandis que les vérités qu’il serait nécessaire de dévoiler restent tues.

Les peintures d’Aude Samama sont vraiment parfaites pour ce genre d’ambiance. La densité des couleurs, le choix des teintes, drapent le récit d’un voile de mystère. Elle réalise là un énorme boulot, assurant autant les personnages que ces décors de campagne et de forêt tantôt pesants, tantôt apaisants.

A eux deux, les auteurs livrent un drame qui touchera facilement le lecteur car il s’inscrit dans son environnement, celle d’un société humaine qui agit aussi en meute, donnant le meilleur… comme le pire.

Par Legoffe, le 29 mars 2023