La neige était sale

Frank Friedmaier a 18 ans, sa mère Lotte est la tenancière du bordel local. Le jeune homme évolue donc dans un milieu remplit de filou, qui s’est progressivement adapté à cette sombre période d’occupation allemande. Loin de se dire d’un camp ou d’un autre, il tente d’en tirer le meilleur parti, quitte à y perdre une partie de son âme, à devenir quelque peu insensible aussi, notamment aux charme de sa jeune voisine, Sissy…

Par fredgri, le 24 janvier 2024

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Notre avis sur La neige était sale

Dans la continuité du Passager du Polarlys, Dargaud propose une autre adaptation des « romans durs » de Simenon, avec cet excellent album, cette fois scénarisé par Jean-Luc Fromental et dessiné par Bernard Yslaire (Ou Hislaire, ou…).
La neige était sale date de la période américaine de Simenon, une période ou il a voulu, pour une fois, aborder l’occupation à travers une fiction sombre et tendue, sans véritable héros, ni morale poussive. Le narrateur observe le jeune Frank, il commente ce cynisme avec lequel il évolue dans cet univers interlope basée sur le racolage, le vol et les petits trafics avec l’occupant, sans pour autant glisser vers la collaboration.

On sent bien que ce jeune homme ne veut pas prendre partie, juste louvoyer au milieu de ces contacts pour son seul profit, en essayant le plus possible de se détacher de l’aspect émotionnel de ce qui l’entoure. Ainsi, cette jeune voisine naïve qui peine à manger à sa faim, devient une proie facile à impressionner, voir même à manipuler, et tant pis si elle a des sentiments pour lui, ça fait partie du jeu de cette guerre déshumanisante.
On ne s’attache pas à cet « anti-héros » détaché de tout, qui n’aime certainement personne, peut-être pas lui-même, qui ne rêve ni de gloire ni d’amour, qui se désintéresse de cette guerre, des combats, de la Résistance…
La neige était sale n’a pas l’ambition d’être un plaidoyer moralisateur pour ou contre, juste de brosser le portrait d’un individu qui glisse au milieu de tout ça sans réfléchir aux conséquences, inatteignable errant qui pourrait presque en être fascinant dans cette pose perpétuelle du rebelle passif qui ne laisse absolument rien le toucher.

Le scénario suit fidèlement le roman, l’écriture est pleine de finesse, restant braquée sur Frank et ses allers et venues à travers la ville. De son côté, Yslaire nous propose des planches extrêmement inspirées. On reconnait son amour des poses, des visages, des expressions, ce sens de la mise en scène, des cadrages très précisément réglés. C’est du très beau travail qui rend honneur à la fois à l’histoire originale, mais aussi à l’époque évoquée dans l’intrigue. Tout y est, les rues enneigées, les bars pittoresques, les officiers allemands qui discutent au pied d’un lampadaire… On se croirait dans un film des années 40…

Une belle adaptation, recommandée.

Par FredGri, le 24 janvier 2024

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