La nuit des lanternes

La scène d’ouverture de La nuit des lanternes, donne immédiatement le ton à ce récit étonnant, sombre et passionnant. Irène et ses deux enfants participent à une cérémonie rassemblant toute la communauté, habillée en costumes traditionnels, au cours de laquelle des lanternes sont déposées sur un arbre majestueux, devant lequel trône la doyenne. Leur feu incarne ce qui peut ronger tout un chacun en son for intérieur. Mais la fête est soudainement interrompue. Au loin, le phare brûle, et le gardien, prisonnier à l’intérieur, n’est autre que le mari d’Irène, qui va trépasser.

Lorsque Eloane, la grande sœur, revient sur son île natale, plusieurs années après le drame, la tension est palpable, les non-dits intrafamiliaux assommants. Quant à Erwan, le frangin, il ne communique plus, depuis la mort de son père, que par téléphone interposé.
Ces retrouvailles bien particulières tombent à nouveau durant la cérémonie des lanternes. Alors qu’Eloane, très énervée contre sa mère, quitte la célébration, elle se retrouve soudainement transformée en créature de feu, après avoir brisé sa lanterne. Le récit part alors dans le fantastique, mettant aux prises les insulaires avec des monstres en tout genre, tout droit sortis de la mythologie créée par Jean-Étienne.

Le scénario maintient une atmosphère oppressante et les victimes s’accumulent dans cette nuit funeste. Mais l’auteur réussit à mêler ce registre merveilleux avec des problématiques familiales. Si cette famille brûle littéralement, c’est qu’elle cache de lourds secrets et que les rancœurs des uns envers les autres se sont accumulées durant toutes ces années. Ces évènements terrifiants et irrationnels, surgissant lors de cette fête des lanternes, ne sont que l’expression de cette animosité enfouie au plus profond de chacun.

Cela donne, avant toute chose, une bd particulièrement rythmée, l’action ne retombant jamais durant cette incroyable nuit des lanternes. On dévore les pages, impatient de connaitre l’issue finale de ce combat contre des forces ancestrales. Là où Jean-Étienne est habile, c’est qu’il arrive à inclure dans cette narration une dimension intime qui touche et émeut le lecteur à des moments inattendus.
Le travail sur l’encrage, les jeux d’ombre et de lumière (le feu a une part importante dans l’histoire), participent à instaurer cette ambiance pesante qui permet d’adhérer au récit, même lorsque l’on bascule dans le fantastique.

Une bd surprenante et addictive, à découvrir sans hésiter !

Par Vincent, le 24 mars 2025