La nuit mange le jour

 
On est averti très vite : dans cette bande dessinée La nuit mange le jour, rien ne nous sera épargné des scènes pornographiques. On est aussi mis mal à l’aise très rapidement lorsqu’on se rend compte, dès les premières planches, que le frêle Thomas fait très "gamin", comparé à son amant Fred qui est un véritable colosse. Mais très vite, le jeune amant nous sera présenté comme un adulte responsable de ses actes (il a un boulot, il parle sans tabou de sa vie sexuelle avec sa soeur jumelle ou d’autres de ses proches…) et très vite on saura que Thomas sait exactement vers quel type de relation il va et qu’il est même très demandeur. Les interrogations sont donc dissipées, les doutes sont levés, les informations "choc" sont encaissées : place à l’histoire !

Une histoire aux ambiances forcément très spéciales puisque l’homosexualité masculine n’est pas exactement un sujet et un terrain "grand public", mais là, elle est au coeur de tout… Une histoire réalisée en noir et blanc, ce qui ajoute de la force aux images en ne distrayant pas l’oeil avec des couleurs çà et là. Une histoire dont le fil conducteur est le sexe mais dont le fond relève plutôt du thriller psychologique : Thomas semble être une marionnette entre les mains de son amant qui a tout de suite pris le dessus, Thomas accepte tout, Thomas se résigne quand il est forcé par un Fred qui lui rétorque que dans ces situations, il ne fait qu’accéder à ses souhaits de voir où sont ses limites…

C’est une relation forte mais déséquilibrée. En outre, Fred ne fait pas dans la finesse vu qu’il a laissé accrochées partout chez lui des photos grand format de son ex Alex, un super beau gosse. Et lorsqu’il les enlèvera en s’excusant, le mal sera fait, la jalousie sera née en Thomas et l’envie qu’aura ce dernier d’en savoir plus ne fera plus que croître. Thomas se mettra alors en quête : il interrogera, il fouinera… Tout en voulant épargner son couple alors qu’il passera parfois de mauvais quarts d’heures en société ou dans l’intimité de l’appartement de Fred. Enfin, Thomas découvrira ce qu’il cherchait…

Il y a beaucoup de sexe, mais on n’est pas là dans une BD où la conclusion est le plaisir pour le plaisir. Au contraire, même ! On est entraîné dans des engrenages de pensées et de comportements qu’on ne peut pas comprendre tant qu’on est pas dans la peau de ces deux amants. Et c’est là où c’est intéressant car on a des craintes pour un Thomas qui se rend compte de tout mais qui avance volontairement ; par jeu, par curiosité, par plaisir, mais par amour aussi. Un véritable amour qu’il n’aura de cesse de prouver et d’éprouver. Le genre d’amour pour lequel on est prêt à tous les sacrifices…

Dramatique histoire, tandem autour d’une tierce personne absente, mystère, homosexualité masculine, cruauté redoutée mais appelée… La nuit mange le jour est une lecture choc, une expérience qui ne plaira évidemment pas à tous, mais une histoire complète et solide.
 

Par Sylvestre, le 20 septembre 2017