Là où gisait le corps

Tout commence dans un quartier calme de la ville, les voisins se croisent, se disent bonjour, ils se connaissent tous plus ou moins. Au centre, il y a la pension de famille des Robbins, à côté, la maison des Melville, puis celle de Palmer qui se prétend flic, qui intervient de temps en temps pour calmer certaines ardeurs, tout en couchant avec Toni, sa voisine. Tandis que deux jeunes du coin, Tommy et sa copine junky Karine, organisent des petits cambriolages dans les maisons alentours, tout en étant surveillés par la jeune Lila, qui se rêve super-héroïne, sur ses rollers… Mais un jour, un cadavre gît sur le trottoir…

Par fredgri, le 22 mai 2024

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Notre avis sur Là où gisait le corps

Avec la régularité d’un métronome, le duo Brubaker/Phillips nous livre un nouvel album qui se distingue néanmoins du reste de leur production. On s’éloigne des histoires de détectives pour glisser dans une sorte de mosaïque narrative ou s’entremêlent plusieurs micro-récits.

Au centre du scénario, il y a un quartier avec neuf individus qui se croisent au fil des jours. Ils se connaissent sans vraiment savoir qui ils sont en vérité. Toutefois, un jour, alors que le jeune Tommy se fait agresser en voulant défendre son amie Karine, tout change, Palmer Sneed intervient, sort sa plaque de police et calme aussitôt la situation en faisant fuir le gêneur. Ce geste va avoir une profonde signification dans le quartier, car pour une fois, quelqu’un se manifeste pour rétablir le calme. Désormais vu comme une sorte de héros local, Palmer va attirer le regard de Toni, une femme au foyer négligée par son mari, pas de première jeunesse, mais qui garde en elle des années de sexualité refoulée. Même s’ils veulent garder leur liaison secrète, certain la découvrent, mais n’interviennent pas vraiment, après tout, hein, c’est leurs oignons. Toutefois, elle coïncide avec une sorte de remise en question qui s’immisce petit à petit chez les uns et les autres.

Brubaker brode progressivement une trame multiple extrêmement bien menée d’un bout à l’autre. On ne peut pas forcément dire qu’il s’agisse d’une affaire à élucider, ni même d’un bête soap, juste une étude de mœurs à l’échelle locale. On découvre ainsi les vies des uns et des autres, où parfois vient se glisser entre les pages le témoignage d’un des protagonistes en version plus âgée, qui se souvient… comme interviewé par les auteurs…
Et c’est justement en ça que le scénariste reste un maître de la narration, cette façon de casser les schémas narratifs classiques, de brouiller les pistes, tout en gardant une écriture extrêmement vivante et moderne, c’est vraiment du très grand art. Tout du long, on ne sait pas vraiment ou il va nous mener, à quel moment va intervenir le fameux cadavre, qui est la victime, Brubaker digresse, s’échappe régulièrement, semble vouloir aller par-là, puis dans une autre direction, tout en construisant un corps de récit cohérent, très vivant et surtout captivant.

En refermant la dernière page, on reste ébloui par cette performance, par ce sentiment d’être entré dans un ensemble de vies tout en ayant eu une intrigue très bien ficelée.

Une nouvelle fois, le tandem Brubaker/Phillips démontre sa maestria. On a hâte de lire leurs prochaines œuvres !

Vivement recommandé !

Par FredGri, le 22 mai 2024

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