La peur au ventre

Adrian et Raul sont les meilleurs amis du monde. Tous deux collégiens assez réservés, ils subissent néanmoins des humiliations répétées qui leur rendent la vie impossible. Qu’il s’agisse de Raul, et sa "patte folle", qui sert de bouc émissaire à son professeur de math qui saisit la moindre occasion pour le ridiculiser devant les autres élèves de sa classe, se moquant sans honte de son handicap. Ou bien Adrian qui se fait racketter par un camarade, voir même battre s’il ne ramène pas ce qui lui est demandé… La situation s’enlise doucement pour les deux garçons résignés… Lorsqu’un jour, une lettre anonyme vient ramener le spectre du terrorisme au sein de l’école…

Par fredgri, le 20 janvier 2023

Notre avis sur La peur au ventre

Nous sommes en Espagne, en 1981. Bien que Franco ne soit plus là, que son régime dictatorial soit désormais terminé, il lui reste encore quelques partisans et des adversaires chevronnés dans ce pays qui n’a pas complètement réglé ses comptes avec son passé. Alors que les adultes craignent d’être frappés par un énième attentat, que la tension augmente, deux copains tentent de traverser les épreuves que leur réserve cette vie d’adolescence, déjà faite de rapport de force, de ces mépris affichés qui les poussent à se retrancher dans leur bulle, à se serrer les coudes.

Le scénario n’est toutefois pas là pour tirer des leçons d’Histoire, ni même pour se lancer dans un débat idéologique, il installe juste un cadre autour des deux jeunes protagonistes, afin de mieux comprendre les réactions des adultes qui les entourent, ce qui les différencie et la tension que l’on sent encore très palpable. Mais ce qui nous intéresse, ce sont les émotions d’Adrian et de Raul, comment ils sont affectés par ce qu’ils subissent et qu’ils ne peuvent résolument pas affronter directement. Ils sont tous les deux victimes de cet autoritarisme irraisonné qui s’acharne sur les opprimés, qui alimente ses propres à priori, qui refuse toute forme de dialogue. Ils sont petits, s’écorchent en tombant, pleurent parfois, ou se font pipi dessus, ils ont leurs fragilités et donnent l’impression de ne pouvoir les dépasser. Ils nous émeuvent, tout simplement.
L’écriture est suffisamment subtile pour nous interpeler, nous renvoyer à des souvenirs d’enfance.
Néanmoins, les parents restent en retrait, comme des silhouettes, même s’ils jouent à un moment leur rôle, ils ne semblent pas être ceux qui dirigent le récit. Et c’est certainement ce qui rend cette histoire si touchante, cette proximité avec les deux jeunes ados, avec cette angoisse qui leur sert le ventre.

Graphiquement, on retrouve Javier Rodriguez avant qu’ils ne soit le dessinateur vedette de Marvel, avant même Lolita HR (déjà publié par Eidola). Son trait est déjà extrêmement sur, très fluide et gracieux, avec ce qu’il faut d’expressivité, de jeux de regard… C’est du très beau travail, plein de finesse, magnifiquement mis en couleur par l’artiste lui même, accompagné à la restauration par Delphine Rieu.

Un album magnifiquement édité qui se penche sur le harcèlement au collège et la douleur implicite qui se glisse en chacune des victimes, qui peut les amener à des traumas graves, irréversibles !
Un album très touchant que je ne saurais assez vous conseiller.

Par FredGri, le 20 janvier 2023

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