L'abîme de l'oubli

Paterna, Valence, Espagne.
El Terrer est le nom du champ de tir de la Brigade d’Artillerie.
Ce 14 septembre 1940, à 17 heures, des soldats ne savent pas ce qu’ils viennent faire là car pour s’entraîner au tir, il est un peu tard. Arrive un camion. Il contient quinze prisonniers. Ils vont être fusillés. José Celda Beneyto est l’un d’eux…

Leoncio Badia avait été condamné pour avoir soutenu les Républicains. A sa sortie de prison, il devient fossoyeur pour gagner un peu d’argent. C’est lui qui va devoir enterrer les corps des fusillés. Il va prendre des risques en gardant des effets personnels de ces victimes pour pouvoir les restituer à leurs familles.

Soixante-dix ans plus tard, Pepica Celda est une femme âgée de 81 ans. Elle n’a eu de cesse de vouloir retrouver et exhumer le corps de son père de la fosse commune où il a été enterré avec ses compagnons d’infortune. Il serait au numéro 126.

Par berthold, le 22 janvier 2025

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Notre avis sur L’abîme de l’oubli

L’abîme de l’oubli. Le titre de cette bande dessinée est magnifique. C’est en partie pour cela que j’ai eu envie de lire l’œuvre de Rodrigo Terrasa et de Paco Roca. Son sujet, difficile, est une autre des raisons pour laquelle je me suis plongé dans ce récit.

L’abîme de l’oubli raconte l’histoire vraie de Pepica Celda qui veut retrouver le corps de son père tué en 1940 avec quatorze autres personnes, accusées à tort. Quinze innocents fusillés par le gouvernement du Caudillo Franco. Mais ce n’est bien des décennies plus tard, dans les années 2000, que cette femme, âgée de 81 ans, pourra obtenir les restes de son père.

Rodrigo Terrasa est journaliste. Il est né à Valence, en Espagne. Il a enquêté sur cette affaire et a eu l’idée de la transcrire en bande dessinée, avec le dessinateur Paco Roca, l’auteur de Rides et de La Nueve. Terrasa réalise ici un travail d’enquêteur vraiment incroyable pour raconter cette histoire, celle de Pepica Celda, mais aussi celle de Leoncio Badia. Il rend également hommage aux victimes de cette guerre civile qui a plongé l’Espagne dans l’horreur. Le récit est prenant et poignant. Vous ne sortirez pas indemne de cette lecture. Vous allez vraiment être touchés par ce récit. Vous ne pourrez pas rester indifférent au sort de ces gens. Vous serez révoltés lors de certains passages où vous serez témoins d’injustices, par exemple. Vous aurez les larmes aux yeux, en suivant Pepica ainsi que les autres femmes liées par ces drames. Terrasa parvient à vous immerger dans son récit. La façon dont l’auteur réussit à vous émouvoir, à vous captiver, à vous faire réfléchir sur ce que vous venez de lire est réellement une réussite. Il est vrai que nous allons découvrir le pire de l’homme dans ces pages mais aussi, le meilleur, dans d’autres situations. L’histoire de Leoncio Badia illustre bien ce propos.

La richesse du dessin et des couleurs de Paco Roca parvient à faire entrer le lecteur dans l’histoire, dans ces pages, dans ces cases. Vous n’êtes pas un simple spectateur, mais aussi un témoin. Le format à l’italienne permet aussi de bien apprécier le travail graphique de Paco Roca. Chaque page respire l’émotion. Chaque page est un pur chef d’œuvre. Son dessin respire la vie. Et cela, même s’il y est question de mort. La reconstitution des décors est d’une précision étonnante. Regardez bien certains détails ; rien n’est laissé au hasard dans son travail.

L’abîme de l’oubli est un gros coup de cœur. C’est une lecture forte et émouvante que je vous invite à découvrir. C’est une œuvre de vie. Un appel à la dignité des morts, à se souvenir d’eux. L’abîme de l’oubli est une bande dessinée remarquable à ne pas manquer ce mois-ci.

Par BERTHOLD, le 22 janvier 2025

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