Le cheminot + La lettre d'amour

Le cheminot :

Certains de ses amis du métier, les plus proches, ont fait leur possible pour que ne soit pas fermée trop tôt la station d’Horomai où plus personne ne descend guère, mais le grisonnant chef de gare Otomatsu, philosophe, sait bien que l’heure de sa retraite sonnera également la remise du KH, ce train que désormais seuls quelques amoureux des vieux trains viennent encore parfois immortaliser sur la pellicule.

C’est l’hiver. A une heure tardive, alors que sa gare figée sous une épaisse couche de neige devrait être déserte, Otomatsu aperçoit une petite fille au travers la vitre de son guichet. Disparaissant aussitôt de sa vue, celle-ci va oublier une poupée sur un banc et sa grande sœur, qui va venir la récupérer un peu plus tard, va troubler le vieux chef de gare en brisant sa solitude et en lui offrant une compagnie qui effacera un moment les bien tristes souvenirs avec lesquels l’homme a vécu la majeure partie de sa vie ; des souvenirs intimement liés à sa condition de cheminot.

La lettre d’amour :

Goro est une petite frappe qui a touché une somme rondelette d’une organisation proxénète pour faire un mariage blanc, il y a quelques années, avec une Chinoise "importée"… Bien que son état civil en fut changé, jamais Goro n’avait ne serait-ce que vu, une seule fois, sa femme.

Lorsqu’il a appris qu’elle était décédée, Goro a dû aller régler les formalités du décès. Dans le train le conduisant là où il devait se rendre, Goro a pris connaissance d’une lettre écrite par sa femme, une lettre très touchante, qui l’a bouleversé. Une fois face à elle, submergé par une prise de conscience tardive, il a fini par tomber amoureux de celle à qui ses besoins financiers l’avaient lié…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

Publicité

Notre avis sur Le cheminot + La lettre d’amour

Voici une bande dessinée qui mérite bien d’être rééditée en version luxe ! Composée de deux histoires indépendantes, elle doit son titre à la première, Le Cheminot, qui, avant d’être adaptée pour la BD est sortie en roman, est devenue best-seller au Japon et a même eu les honneurs de l’adaptation cinématographique.

"Le faiseur de larmes". Tel a été l’un des surnoms qui ont été donnés au romancier scénariste, Jirô Asada (un pseudonyme) et force est de constater que cette dénomination n’a pas été usurpée. Tel un Jirô Taniguchi (pour citer un mangaka connu et qui lui aussi a prouvé qu’en quelques pages, il pouvait faire redoubler les battements de cœur de ses lecteurs), il réussit avec ces deux histoires à nous bouleverser complètement.

Maintenant, pour être honnête (car je n’ai pas lu le roman originel), si je me permets de comparer les deux auteurs, c’est aussi que le dessinateur, Takumi Nagayasu, réalise un travail en de très nombreux points semblable à celui du créateur de Quartier Lointain. Et donc je rends un hommage appuyé à ce Nagayasu, étant parfaitement lucide sur le fait que si un autre mangaka s’était attelé à la tâche, le texte d’Asada n’aurait peut-être pas eu aussi bon ambassadeur…

Réalisme précis autant dans les décors que dans les visages, les anatomies ou encore les reproductions de véhicules, sensibilité du trait donnant vie on ne peut mieux aux récits chargés d’émotion… Tout y est et, franchement, les fans de Taniguchi qui, on le sait, sont de plus en plus nombreux chaque jour ne pourront que se confirmer ce que j’écris en tombant eux aussi sous le charme de cette BD indispensable à tous les amateurs de manga d’auteur.

Dans les deux histoires, l’environnement est comme calibré pour que l’émotion nous submerge. Dans Le Cheminot, la morsure du froid de l’hiver nous anesthésie avant que ne nous gagne le feu de la chaleur humaine. Dans La lettre d’amour, la personnalité de Goro nous fait hésiter entre sympathie ou antipathie envers lui jusqu’à ce que son comportement change, semblant venir du plus profond de son cœur et perçant sa carapace de "bad boy"… Ces contrastes froid / chaud et ignorance / réveil de la conscience nous poussent immanquablement à tomber dans le panneau, à nous retrouver prisonnier du "doux piège" que tendait l’auteur.

Panini Manga peut être fier de ce titre à son catalogue. Tout comme vous serez heureux de compter cette bande dessinée parmi les bijoux de votre collection.
 

Par Sylvestre, le 17 novembre 2007

Publicité