Le combat de Henry Fleming Edition Noir et blanc

Henry Fleming vit avec sa mère, à la ferme, il voit ses amis s’engager dans l’armée nordiste et malgré son jeune âge et son inexpérience, il veut lui aussi avoir sa place dans l’histoire. Il décide donc de suivre le mouvement, malgré la réticence maternelle. Seulement, sur place,il découvre une réalité très éloignée des rêves héroïques qu’il se faisait. La guerre est rude, violente, il faut parfois attendre longtemps avant d’aller se battre et ces satanés fusils ne sont pas pratiques… Henry se pose des questions sur ses propres limites, sur son courage, il fuit, revient, se laisse emporter…

Par fredgri, le 20 février 2024

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Notre avis sur Le combat de Henry Fleming Edition Noir et blanc

Sur cette édition en tirage luxe, en noir et blanc, éditée à 1515 exemplaires, nous redécouvrons cet album débarrassé de toute notion de couleur. Et même si elles restait dans une approche extrêmement épuré, en aplats monochromes pour la plupart des planches, cette seconde vision nous permet de bien mieux observer le travail de Steve Cuzor, dans les détails, dans la lumière pure amenée par le blanc, dans les ombres, le travail des matières du noir.
C’est donc une véritable nouvelle vision qui s’offre à nous. Une vision qui insiste sur les silences, sur les regards, sur le poids des silhouettes entre les arbres.

Steve Cuzor nous propose ainsi une véritable plongée au cœur d’un récit profondément intime, dans la tête et les yeux d’un jeune homme pas si différent des autres. Henry s’engage, il rejoint ses compagnons d’infortune ballotés d’un chemin boueux à l’autre, serrés autour d’un feu en attendant que l’ordre de se rendre sur un quelconque champs de bataille ne vienne. On sent la poussière, le froid, on entendrait presque les chuchotements ou les chants improvisés dans ces cases qui restent au plus près de ces soldats.
Steve Cuzor ne tente pas d’embellir tout ça, il opte pour une écriture sèche qui reste au plus près du texte original, The Red Badge of Courage, de Stephen Crane, même s’il a opéré des coupes, fait des choix pour rendre son propos plus efficace, moins englué dans des effets « littéraires ». Ainsi on ne s’attarde pas sur le départ de la ferme, sur les conseils de la mère, on reste concentré sur le jeune homme, sur ses états d’âmes, sur cette réalité qui s’ouvre soudain devant lui. Et quand enfin l’ordre tombe, on le suit, on le regarde derrière sa butte de terre, on le voit hésiter, avoir peur, être impressionné par la fumée, la violence, ces silhouettes qui se précipitent devant lui en criant…

En s’attachant à adapter le livre de Crane, Cuzor s’intéresse aux doutes d’un jeune soldat qui se demande quelles sont ses limites, comment il peut à un moment se dépasser, quitte à se mentir à soi-même…
Ecrit en 1893, The Red Badge of Courage marque la littérature américaine au fer rouge. En effet, pour la première fois, on se débarrasse du filtre héroïque, des codes du récit de guerre, on ne raconte pas de grandes batailles historiques, à grand renfort de détails techniques, de noms célèbres, il ne s’agit pas non plus d’enjoliver le tableau, ni même d’ailleurs d’aller se lancer dans un réquisitoire « contre », mais bel et bien de se rapprocher d’une certaine vérité, plus profonde, qui parle de la peur, de la couardise, du courage, de cet instant ou tout peut basculer dans la vie d’un homme confronté à l’Enfer.

Après Cinq branches de coton noir, Steve Cuzor continue de brosser l’âme américaine dans toute son universalité, proche de ces gens en marge de l’Histoire. On peut se reconnaître dans ces silhouettes, partager leur appréhension, leurs doutes. L’écriture est d’une extrême finesse, alternant les voix off, les dialogues directes, assez brefs, comme si on n’écoutait presque que Henry.
Quand aux dessins, encore une fois c’est impressionnant. Un réalisme au premier abord assez froid qui reste pourtant très juste, très calculé dans sa mise en scène, ses cadrages, cette science de la lumière. C’est tout simplement magnifique.

Je vous encourage vivement à lire cet album, même dans sa version couleur.

Par FredGri, le 20 février 2024

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