Le combat d'Henry Fleming

1863, le jeune Henry Fleming rêve de rejoindre les troupes nordistes, en voyant partir ses amis. Contre l’avis de sa mère qui préfèrerait qu’il reste avec elle, à la ferme, le jeune homme s’engage et découvre vite que la guerre c’est de longues attentes, puis soudain des affrontements violents qui vont le confronter à sa propre vérité…

Par fredgri, le 4 février 2024

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Notre avis sur Le combat d’Henry Fleming

Avec cet album, Steve Cuzor nous propose une véritable plongée au cœur d’un récit profondément intimiste, dans la tête et les yeux d’un jeune homme qui pourrait être n’importe qui, tant finalement il nous ressemble dans nos faiblesses, nos doutes.

Henry est un jeune homme qui rêve de faire comme ses amis partis « faire la guerre », il s’engage, il rejoint ses compagnons d’infortune ballotés d’un chemin boueux à l’autre, serrés autour d’un feu, qui écoutent les histoires des vétérans en attendant que l’ordre de se rendre sur un quelconque champs de bataille ne vienne. On sent la poussière, le froid, on entendrait presque les chuchotements ou les chants improvisés dans ces cases qui restent au plus près de ces soldats.

Steve Cuzor ne tente pas d’enjoliver tout ça, il adopte une écriture sèche, plus vibrante, alternant les pensées et les dialogues, sans description, il reste au plus près du texte original, The Red Badge of Courage, de Stephen Crane. Il a bien évidemment opéré des coupes, fait des choix pour rendre son propos plus efficace, moins englué dans des effets « littéraires », après tout adapter c’est aussi réfléchir au support, aux effets, aux images qui racontent autrement que par les mots. Ainsi il ne s’attarde pas sur le départ de la ferme, sur les conseils de la mère, il reste concentré sur le jeune homme, sur ses états d’âmes, sur cette réalité qui s’ouvre soudain devant Henry. Et quand enfin l’ordre tombe, on le suit, on le regarde derrière sa butte de terre, on le voit hésiter, avoir peur, être impressionné par la fumée, la violence, ces silhouettes qui se précipitent devant lui en criant…

Avec ce travail d’adaptation, Cuzor s’intéresse aux doutes d’un jeune soldat qui se demande quelles sont ses limites, comment il peut à un moment parvenir à se dépasser, quitte à se mentir à soi-même…

Ecrit en 1893, The Red Badge of Courage marque la littérature américaine au fer rouge. En effet, pour la première fois, on a un récit de guerre débarrassé du filtre héroïque, des codes habituels du genre, on ne raconte pas de grandes batailles historiques, à grand renfort de détails techniques, de noms célèbres, il ne s’agit pas non plus de prendre parti, d’ailleurs d’aller se lancer dans un réquisitoire « contre » ou de juger, mais bel et bien de se rapprocher d’une certaine vérité, plus profonde, qui parle de la peur, de la couardise, du courage, de cet instant ou tout peut basculer dans la vie d’un homme confronté à l’Enfer.

Après Cinq branches de coton noir, Steve Cuzor continue de brosser l’âme américaine dans toute son universalité, proche de ces gens en marge de l’Histoire. On peut se reconnaître dans ces silhouettes, partager leur appréhension, leurs doutes. L’écriture est d’une extrême finesse, malgré son côté rugueux, comme si on n’écoutait presque que Henry.

Quand aux dessins, encore une fois c’est impressionnant. Un réalisme au premier abord assez froid qui reste pourtant très juste, très calculé dans sa mise en scène, ses cadrages, cette science de la lumière. C’est tout simplement magnifique.

Je vous encourage vivement à lire cet album.

Par FredGri, le 15 janvier 2024

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