Le confesseur sauvage

La lune s’est décomposée et un des fragments est tombé sur la Terre, provoquant l’anéantissement de la centrale nucléaire de Tchernobourg. Les radiations ont tôt fait de provoquer, par les pluies toxiques, des mutations horrifiques sur la gente humaine, la faune et la flore. Faisant partie de ceux qui ont été marqués profondément par la pollution radioactive, un pauvre hère esseulé, surnommé par les experts le « poulpe empathique », a élu domicile dans une église délabrée de la cité. Sa mutation physique lui a permis également d’hériter du don de confesser son prochain lorsqu’il pose un tentacule sur celui-ci. Surnommé le Père Irradieu, son nouveau sacerdoce, lui donne l’occasion, de fait, d’ouvrir les yeux sur les vicissitudes de ses semblables marqués irrémédiablement par le destin. A commencer par Madame Génuflexion dont la fille voulait devenir top model sans savoir qu’elle était une grosse limace…

Par phibes, le 4 avril 2015

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Notre avis sur Le confesseur sauvage

Philippe Foerster peut se vanter une nouvelle fois de proposer à son lectorat un récit qui met en évidence cet univers qu’il affectionne tout particulièrement depuis son immersion dans Fluide Glacial dans les années 80 et qui mêle adroitement fantastique, humour ténébreux et tragédie.

C’est d’ailleurs dans un contexte post-apocalyptique que celui-ci nous introduit et qui n’est pas sans rappeler quelque tragédie connue. Fort de cette atmosphère pour le moins pesante et également mutagène, il introduit son premier personnage qui va faire le lien avec les suivants. Curieux bonhomme transformé à cause des radiations et improvisé curé d’une paroisse déliquescente, ce dernier prend les rênes de la narration et témoigne, de par son empathie, des rencontres que son « pouvoir » lui a permis de faire.

Comme il se doit, l’évocation n’a rien d’une joviale aventure. Philippe Foerster joue à fond la carte de l’absurde, cultivant chaque confession dans des circonvolutions nature souvent dures et dramatiques mais en leur donnant également un caractère totalement décalé. Entre l’histoire malheureuse de la limace et celle du fils déhantiseur, en passant par l’homme aux mains d’araignée et l’enfant colérique explosif, le lecteur sera, et ce jusqu’à la fin tant le côté curiosité l’emporte, le témoin de situations pour le moins ubuesques. Grâce à ce choix scénaristique volontairement libéré et au paroxysme des différents déballages intimes, l’auteur parvient sans ambiguïté à nous faire à la fois frémir et sourire.

La part graphique a quelque chose d’attirant. Cette vision fantasmée que l’artiste nous offre dans un encrage soutenu et dans des aplats « monocolorisés » simples pour bien distinguer chaque confession est on ne peut plus riche en détails. On pourra apprécier la distorsion de ces dessins qui accentue l’ambiance de cauchemar dans laquelle est plongée Tchernobourg, distorsion que l’on pourra également déguster dans l’effigie des personnages et dans leurs difformités horrifiques.

Un ouvrage complet, à la fois glauque et décalé, réalisé par un Philippe Foerster en pleine forme, qui reste à savourer à la condition de ne pas avoir peur du macabre.

Par Phibes, le 4 avril 2015

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