Le dernier envol du papillon

 
Les maisons closes ont, dans l’imaginaire populaire, quelque chose de sordide. Dans le Japon d’autrefois où les quartiers des plaisirs étaient des institutions, un certain raffinement est à associer à ces établissements où être geisha se méritait puisque cela voulait dire que les candidates avaient suivi des formations diverses et strictes comme maîtriser les rituels de la cérémonie du thé ou être experte dans des domains comme l’habillement, le maquillage, le ménage ou encore la conversation.

On n’en saura pas forcément beaucoup sur l’établissement dans lequel officiait Kicho. Toujours est-il qu’elle lui fait honneur, ainsi qu’à ses employeurs et à ses collègues, en nous étant présentée comme une femme d’une grande beauté, d’une grande sagesse et pleine de toutes les qualités que lui demandait son métier. C’en serait presque choquant, mais l’auteur de ce manga Le dernier envol du papillon est une femme (Kan Takahama) et dans sa manière de présenter filles et clients, elle n’oublie pas de mettre dans la bouche de ses personnages des réflexions qu’on pourrait nous aussi avoir et qui tempèrent toute vélléité d’être binaire sur le sujet. Enfin, si une scène de sexe est au menu dans cette lecture ayant quelques accents érotiques, c’est plus le côté attentionné, érudit, posé, réfléchi de Kicho qui est mis en lumière.

Dans le Japon de Kicho où les contacts avec les étrangers étaient très rares à cause d’une politique nationale de renfermement sur soi, l’héroïne montre une ouverture d’esprit et une intelligence qu’on perçoit comme hors normes à son époque. Et en effet, au-delà des côtés voyeurisme et nudité des corps, c’est à une histoire de délicatesse et d’altruisme que l’on est invités. Servie par un dessin pas toujours excellent ni toujours très égal mais qui nous montre une Kicho libre et radieuse en toutes circonstances malgré les épreuves qu’elle traverse, cette histoire est un petit bonheur de lecture balisé de sentiments nobles.
 

Par Sylvestre, le 28 avril 2017