LE DERNIER QUAI

Emile est gérant d’un petit hôtel isolé se nommant Le Dernier Quai. Son quotidien très ordonné est réglé au millimètre près afin de réserver le meilleur accueil à ses clients. C’est après avoir consulté son registre des arrivées que le maître d’hôtel se transporte au-devant de ses clients pour assumer son véritable rôle, celui de préparer ces derniers, décédés, à leur dernier voyage. Avec rigueur et bienveillance, Emile se charge d’aider ses hôtes à affronter leurs souvenirs et soigner leurs âmes avant le grand passage. Parfois, il déplore quelques malheureux ratages et se promet qu’il n’y en aura plus. Jusqu’au jour où tout se dérègle par l’arrivée non prévue de trois nouveaux clients. C’est la débandade pour Emile qui n’arrive plus à gérer, et son temps, et son rôle. Que lui arrive-t-il ? et qui sont ces trois personnes ? Auraient-elles un lien avec sa vie d’antan ?

Par phibes, le 5 juillet 2023

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Notre avis sur LE DERNIER QUAI

Après Adieu monde réel et La maison aux souvenirs, Nicolas Delestret continue à œuvrer au sein de la maison Bamboo, dans sa collection Grand Angle. L’artiste revient donc à la faveur de cette nouvelle histoire complète qui a le privilège de nous transporter au-delà de notre réel, dans une sorte de purgatoire inédit tenu par un maître d’hôtel bien consciencieux.

Revisitant quelque peu la thématique de son précédent album (basé également sur le souvenir), l’auteur trouve le moyen de nous plonger dans un récit décalé, ô combien prenant et surprenant. Pour ce faire, il nous livre à sa sauce éthérée les péripéties post-mortem d’un gérant d’hôtel qui prépare ses pensionnaires à leur ultime voyage et qui, pour ce faire, les aide à purger leurs petits secrets intimes, à les délester du poids de leur culpabilité qui pourrait les condamner à errer dans la sinistre forêt des ombres.

Structurée efficacement, cette équipée où la mort est au cœur des débats se développe avec une réelle sensibilité selon un rythme croissant bien géré. Emile demeure de bout en bout le point central de celle-ci, campant dans un premier temps le rôle de guide spirituel de ses clients, de passeur d’âme en quête de paix ultime puis dans un second temps, à la faveur d’un imprévu, assujetti à la même introspection que ces hôtes (oui, lui aussi à des secrets inavoués). Il ne fait aucun doute que sous le couvert d’une évocation légère et bien généreuse, l’épopée d’Emile et de ses visiteurs est atypique et force la curiosité. En effet, cette dernière a la particularité de filer sur tous bords, tantôt sur des fins joyeuses, tantôt sur des moments beaucoup plus sombres, très inquiétants. C’est d’ailleurs lors de ces instants tourmentés que l’intrigue prend une consistance plus conséquente et génère de fait un climat de tension bien pesant.

La mise en images a la particularité de se révéler, lorsqu’on l’aborde lors des premières planches, dans une certaine douceur ambiante mais se révèle redoutable plus tard dans ses moments plus intenses. Il ne fait aucun doute que le semi-réalisme de cette partition graphique fait mouche tant il bénéficie d’une réelle beauté et porte bien le message de son auteur.

Une histoire pour le moins attachante et immersive basée sur un concept post-mortem original. Une belle surprise en soi !

Par Phibes, le 5 juillet 2023

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