LE JOUR D'AVANT

Après avoir travaillé dans un atelier de mécanique automobile, Joseph Flavent a fini par devenir mineur. Œuvrant dans la fosse 3bis de Saint-Amé de la Compagnie nationale des houillères à Liévin, il fait l’admiration de son frère cadet Michel. Le 27 décembre 1974, alors que la veille, Joseph et Michel avaient partagé un moment de moto, une catastrophe sans précédent se déclare dans la fosse 3bis. 42 morts sont à déplorer à la suite d’un coup de grisou, Joseph ayant été hospitalisé dans un état alarmant. Pratiquement un mois après le jour funeste, Joseph décède, produisant une très grande tristesse dans son entourage et aussi une envie de vengeance. Michel qui a subi de terribles évènements après le suicide de son père, le décès de sa mère et de sa femme plus tard, s’est mis en quête, quarante années plus tard, de comprendre ce qui s’est passé le jour de l’accident minier avec un objectif bien précis, celui de trouver le coupable de cette tragédie. Autant dire que son périple vindicatif va connaître bien des turbulences…

Par phibes, le 5 août 2024

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Notre avis sur LE JOUR D’AVANT

Assurément touchés profondément par le superbe roman de Sorj Chalandon paru en 2017, Romain Dutter et Simon Géliot ont décidé de s’emparer de son sujet pour le transformer en bande dessinée. Récit on ne peut plus poignant, il a la particularité de nous plonger au milieu des terrils de la région du nord de la France, avec pour toile de fonds la lourde tragédie qui a eu lieu à Liévin en décembre 1974 et qui a fauché pas moins de 42 mineurs. Fort de ce cadre authentique, la fiction s’installe grâce à Michel Flavent, qui, ayant perdu son frère lors de cette période douloureuse, s’est lancé dans une quête de justice.

C’est donc sous la forme d’une narration intimiste que nous appréhendons les péripéties vécues par le personnage principal. Découpé selon un chapitrage visible et explicite, le récit a l’avantage d’éluder toute linéarité, nous offrant des allers et venues dans le temps qui agissent comme des pièces d’un puzzle. Par cet agencement subtil, on découvre peu à peu les tenants de l’histoire malheureuse de Michel, de Joseph, de leurs parents et de toute une communauté frappée par la tragédie. On suit Michel au fil du temps qui s’est promis de venger ceux qui ont subi le drame et on le découvre dans ses attitudes vis-à-vis de ses découvertes.

Il en ressort donc une quête justicière implacable qui ne manque absolument de virements surprenants. Plus qu’une histoire au caractère social qui pousse à la mémoire des faits, c’est une équipée psychologique forte, pleine de ressenti et de non-dits incroyables. Suivant fidèlement la structure originelle, Romain Dutter trouve la justesse scénaristique pour évoquer les pérégrinations hiératiques de Michel Flavent, son envie d’en découdre avec les responsables de la tragédie minière. Il ne fait aucun doute que l’évocation est forte, sombre comme le charbon, marquante à souhait et qu’elle dénote une réelle irritation pour ne pas dire un sentiment de révolte.

Graphiquement, Simon Géliot fait du très bon boulot. Eludant toute conception réaliste, l’artiste joue avec son trait libéré de toute contrainte pour caractériser « brutement » le parcours bouleversant de Michel Valent. L’effort documentaire (voir également en fin d’album le remarquable dossier sur le sujet) est bien sûr perceptible mais on sera subjugué surtout par l’humanité qui ressort de ses personnages, de ses gueules noires, par leurs tourments à fleur de peau, par leur colère visible, par la perception de leurs conditions sociales difficiles. Michel Valent est de ceux-là et à la faveur de son côté vindicatif énigmatique, nous transporte allègrement vers une finalité insoupçonnée et donc surprenante.

Une adaptation parfaitement réussie qui non seulement, rend hommage à la communauté minière mais aussi a le privilège de susciter bien des émotions. Bravo !

Par Phibes, le 5 août 2024

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