Le matin de Sarajevo
Chacun d’entre eux avait ses propres raisons de vouloir se débarrasser de lui, mais une de leurs raisons les mettait tous d’accord. L’archiduc François-Joseph représentait l’Autriche-Hongrie et la mainmise de cet empire sur les Balkans leur étant insupportable, ils s’étaient organisés pour commettre un attentat contre sa personne. Le descendant des Habsbourg devait parader dans Sarajevo le 28 juin 1914, alors c’était décidé : c’est là qu’il allait être assassiné. Par eux.
Par sylvestre, le 26 octobre 2022
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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ISBN :
9782344046760
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Notre avis sur Le matin de Sarajevo
Le "fait divers" ne pèse pas plus de quelques lignes de texte dans les livres d’Histoire, largement derrière les conséquences qui ont suivi : une catastrophe à l’échelle planétaire appelée Première Guerre Mondiale. Au départ en tout cas, l’attentat contre l’archiduc n’était, dans l’idée de ses organisateurs, qu’un moyen d’éveiller les consciences nationalistes des citoyens des différents pays des Balkans. Une Yougoslavie unie, c’est cela qu’ils voulaient. Pas une Yougoslavie sous le joug d’un occupant.
L’attentat contre l’archiduc François-Joseph s’est déroulé en plein jour, dans la rue et sous les yeux d’innombrables témoins. Gavrilo Princip est celui qu’on a retenu comme étant l’artisan de la mort de François-Joseph mais dans cette bande dessinée nous est raconté ce qui s’est tramé avant le jour J puis après, lors du procès. Princip n’a pas véritablement agi seul ; et il peut être détesté pour la violence, la méthode ou les conséquences de l’assassinat, il reste néanmoins un héros pour d’autres pour avoir voulu agir dans le sens d’une union nationale interethnique.
On ne mesure pas toujours les conséquences des actes que l’on commet, et il semble bien, de l’aveu même de certains des protagonistes lors de leur comparution à la barre, que c’était le cas ce 28 juin 1914. Le groupuscule armé nous est présenté comme une bonne vieille équipe de bras cassés et les ratés de cette fine association de malfaiteurs nous sont comptés par le menu : oubli pendant un jour entier d’armes cachées dans une gare, dévoilement du projet à qui veut bien l’entendre sous l’emprise de l’alcool, dégonflage au moment où il s’agit de passer à l’action… Le truc bien huilé, quoi !
A la lumière de ces anecdotes, le "fait divers" se fait plus savoureux et tournerait presque à la comédie ou au vaudeville. Et c’est jusqu’au bout que l’action nous réserve des surprises puisque c’est finalement en deux temps que la mission sera menée à bien ! Le style de dessin et les couleurs de Christophe Girard dans Le matin de Sarajevo sont au format qui convient pour un tel récit : les trombines y font parfois penser à des visages qu’on aurait pu voir sur des publications caricaturales d’à l’époque, et le dramatique qui prévaut trouve un équilibre glaçant dans l’humour de certaines situations conduisant à ce drame. Quant au scénario de Jean-Charles Chapuzet, il s’articule à l’occasion sur quelques flashbacks. C’est une technique classique en BD, alors on se prêtera plutôt à relever l’originalité des quelques instantanés en mode "avance rapide" qui sont proposés au lecteur lorsque certains personnages sont le sujet de la vignette lue et que dans celle d’après leur terrible sort nous est résumé ! On notera aussi les quelques pages en fin d’ouvrage, dans un style différent, rendant hommage à Georges Perec qui à Sarajevo a trouvé l’inspiration pour une toute première de ses œuvres…
Les Balkans restent de nos jours une région sous tension en partie à cause de la haine qu’ont suscité les guerres qui l’ont secouée dans les années 1990. Au cœur de l’Europe, à la croisée de mille chemins, c’est une région stratégique qui aura connu bien des tourments alors même que c’est un territoire qui aurait dû être un paradis, un territoire sous le charme duquel les visiteurs tombent d’ailleurs le plus souvent. La Bosnie est au centre de ce cœur d’Europe. Dans Le matin de Sarajevo, on y voyage, on en visite quelques villes, on en voit quelques paysages… Histoire et géographie, plaisir et culture, farces et enseignement… That’s a power of the neuvième art !
Par Sylvestre, le 26 octobre 2022