Le ministre et la Joconde

S’appuyant sur un évènement authentique, celui concernant le prêt par la France du célèbre tableau peint par Léonard de Vinci à des musées américains, Hervé Bourhis (Bouloche, Retour à Liverpool, Petit livre de l’écologie…) et Franck Bourgeron (Stalingrad Khronika, L’obéissance…) s’entendent pour relater ce fait à leur sauce, à la fois sur-vitaminé et plein de cocasserie.

Pour ce faire, les coscénaristes ont pris pour parti de prendre comme angle d’attaque les pérégrinations bruyantes d’un des personnages forts qui participa à cette opération diplomatique et qui, ici, vient écraser de tout son poids les péripéties contées, à savoir le fameux André Malraux, alors ministre d’Etat sous De Gaulle. S’appropriant donc ce haut personnage, tordant un tant soit peu ses nombreux travers (alcool, drogue…) pour les monter à l’extrême, ils lui permettent d’instiller une intrigue des plus jubilatoires. Aussi, n’est-il pas rare de voir ce diplomate, clope à la main, courir en tout sens, apostropher ses pairs dans des tirades ampoulées, plonger dans des situations proches de la folie…

Il en ressort donc une lecture pour moins détonante animée par ce ministre d’Etat qui passe par tous les états. Les auteurs nous prouvent qu’ils ont cherché à assimiler cette personnalité politique et intellectuelle pour dresser un portrait caricatural, fantasque qui joue sur deux tableaux, l’un étouffant par cette exubérance exacerbée et l’autre plus sensible qui défend l’homme en lui-même, le rendant plutôt attachant.

Hervé Tanquerelle se voit associé à ce projet qui lui sied à merveille. En effet, l’artiste est resté dans les dispositions semi-réaliste de son œuvre picturale Le dernier atlas en nous offrant un dessin tout aussi léché. Le travail se veut considérable sur l’animation d’André Malraux qu’il croque à tour de main, dans une gesticulation subtile et risible à souhait. Evidemment, documenté comme il l’est, il se permet d’entourer son « héros » d’autres personnages tout aussi célèbres comme Von Karajan, le Commandant du France sous les traits de De Gaulle et la fameuse Joconde, via une gestuelle efficace.

Un récit romanesque très inspiré qui pourrait défiger le sourire mystérieux de la Joconde.

Par Phibes, le 3 octobre 2022