Le monde de Pickto

Alors l’album commence comme un énième conte de fée, avec un prince et une princesse, chacun est prêt à jouer son rôle selon les règles. Mais voilà, un grain de sel vient tout fausser. Un inconnu, qui va se révéler être Pinocchio, vient prendre la place du prince, sans pour autant en avoir la stature, ni le courage.
On suit ensuite cette intrigue qui se moque assez adroitement de tout le folklore des contes, du dragon qui est sensé empêcher tout chevalier qui doit se présenter, mais qui est en secret de mèche avec la princesse, de la grenouille qui ne se transforme jamais quand on l’embrasse etc. Le scénario est bourré d’humour, de mille et un rebondissements, mais surtout fait l’objet d’un incroyable exercice de style, tout du long…

Car voilà, Ce monde de Pickto n’a qu’une seule forme de dialogue, des pictogrammes. Aucun mot, aucune expression, juste des dessins qui permettent d’exprimer des sons, des idées, des phrases. Et l’effet est garanti. Tout fonctionne incroyablement bien, démontrant une nouvelle fois que les mots ne sont véritablement pas tout, que le lecteur averti peut parfaitement comprendre ce qu’il se passe, apprécier l’histoire, s’en amuser, sans pour autant être noyé par des tonnes de dialogues systématiques. C’est une excellente façon de repousser les limites du langage BD, sans pour autant tomber dans l’expérimental le plus hermétique.

Ainsi, nous redécouvrons le schéma ultra balisé du beau prince qui part dans une sorte de quête de l’évidence, une ligne tracée pour lui, de A vers B, avec les indétrônables dangers à affronter, sauf que cette fois, il est surtout question de mélanger un peu les cartes, en multipliant les références, avec une pincée de tendance actuelle, de surprises assez bien vues et autres belles petites trouvailles très sympathiques.

Sans pour autant être l’album de l’année, ce monde de Pickto nous réserve un excellent moment de lecture, bien barré, qui fait du bien.

Très conseillé.

Par FredGri, le 10 juin 2023