Le peintre oublié

Ils sont trois amis, Fred, Sarah et Arturo, qui se connaissent depuis environ 20 ans. Ils fréquentent le même atelier de peinture, ils s’y retrouvent une fois par semaine, aiment passer du temps ensemble, malgré le fait qu’ils sont très différents les uns des autres. Un jour, Fred se prend de passion pour un aquarelliste anglais assez méconnu de la fin du XVIII ème siècle, Thomas Girtin. Il en parle aux deux autres, leur raconte la vie de l’artiste, leur montre ses œuvres, tandis que chacun d’eux traverse une période grosse remise en question… S’entremêlent alors les pensées des trois amis, leur découverte respective de Girtin et ce lien qui les rassemble profondément.

Par fredgri, le 17 juin 2023

Publicité

Notre avis sur Le peintre oublié

Si le spectre de Thomas Girtin plane sur tout l’album, par ses peintures qui se glissent deçi delà, les évocations de Fred, les petites recherches de Sarah et Arturo, les flash back ou l’on découvre les détails d’une rencontre, la foule de l’époque ou la préciosité d’une soirée mondaine, Le peintre Oublié raconte surtout le cœur d’un trio d’amis qui arrivent à un moment dans leur vie ou le passé rattrape le présent, l’heure des remises en question, des regrets à dépasser.
Fred est viré de son travail, car il vient de mettre la main sur un scandale au sein de son entreprise. Il profite de cette parenthèse anxiogène pour se plonger dans ses recherches, peut-être même pour y trouver le secret d’une âme qui le fascine.
Sarah fait le point sur sa vie, sur cette carrière naissante de peintre qu’elle a laissé derrière elle. Lorsqu’une vieille amie, devenue une artiste célèbre, reprend contact avec elle, elle s’interroge sur ses frustrations, sur cette vie perdue à se réfugier dans l’Église et ses prières.
De son côté, Arturo pense avoir fait son deuil de sa vie en Argentine, avant qu’il ne vienne se réfugier en Angleterre, laissant derrière lui ses souvenirs, les images de ceux qu’il aima, morts pour une cause perdue.

Le temps passe, les doutes, les pensées se croisent, ils ont tous les trois changé depuis toutes ces années. Et la découverte de cet aquarelliste marque peut-être le début d’une prise de conscience. Thomas Girtin est mort à 27 ans, il a de son temps marqué les esprit, un peu dans l’ombre du grand Turner, certainement, mais néanmoins avec une personnalité très indépendante qui l’a amené à progressivement refuser les contraintes des grands mécènes du moment. Cette liberté, cette envie de s’émanciper d’un marché trop formaliste et l’audace qui se dégage de son travail provoquent l’admiration des trois amis qui retrouvent un peu cette flamme qui les a abandonné il y a longtemps.

A travers ce quadruple portrait, Oscar Zarate fait une sorte de bilan de sa propre vie, sa fuite de l’Argentine occupée et dirigée par la junte, son rapport à l’Art, sa carrière, cette envie de repenser aux sources de son histoire, de sa vie. Il nous offre un album troublant de profondeur, entre les monologues de ces trois londoniens qui se confient, l’évocation de ce peintre d’un temps lointain qui évoque des paysages calmes, mettant parfois en scène les vestiges d’une cathédrales perdues dans la nature, les ruines se tenant au sommet d’une colline, ou un simple coucher de soleil…
L’écriture est douce, comme un lent chapitre écrit par Woolf. On est charmé par la fragilité de ces trois amis qui se chuchotent leurs confidences, qui se retrouvent pour boire un verre, qui s’ébahissent devant une belle aquarelle.
Les pages défilent tranquillement.

Je redécouvre Oscar Zarate et je suis content de le voir émouvant narrateur d’une parenthèse narrative pleine de générosité et d’humanité.

Un très bel album, vivement conseillé.

Par FredGri, le 17 juin 2023

Publicité