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LE SECRET DE MISS GREENE

En 1898, à New York, la jeune Belle Greener est passionnée par les vieux livres. Un jour, après l’achat de l’un d’eux dans une librairie, elle prend le bus et se rend témoin du rejet d’une femme de couleur par le chauffeur conforté par les réactions racistes des autres passagers. Le lendemain, au domicile familial, Belle a une discussion avec sa mère et ses frères et sœurs. Au grand dam de leur aïeule, ils ont décidé, pour avoir une vie plus décente, de faire le « passing », c’est-à-dire de renoncer à leurs origines noires (même si elle est lointaine) qui, au regard de la loi, les caractérisent en parias et les empêchent d’évoluer au sein de la société. Au décès de sa grand-mère, Belle fait donc un pas décisif en renonçant à avoir des enfants et en changeant de nom pour s’appeler Da Costa Greene. C’est à la suite de cette décision que la jeune femme est embauchée dans une bibliothèque. Très vite, ses connaissances et son ambition vont lui permettre d’accéder à des postes à responsabilité et de travailler bientôt pour le compte du magnat J.P. Morgan en tant que directrice de sa fabuleuse bibliothèque. Aura-t-elle à cœur de garder le secret de ses origines afro-américaines ?

Par phibes, le 26 janvier 2025

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Notre avis sur LE SECRET DE MISS GREENE

Neuf années après La tristesse de l’éléphant, Nicolas Antona et Nina Jacqmin se retrouvent à la faveur de ce nouvel album sous l’égide des éditions Le Lombard. Ils se donnent pour mission de faire l’évocation biographique d’une personnalité de la société newyorkaise du début du 20ème à la destinée bien contrariée par le secret qu’elle détient, à savoir Belle Greene.

Dès le départ, nous découvrons la teneur de ce mystère qu’entretient ce personnage et qui se veut en rapport avec l’état d’esprit de la société américaine d’antan, une société profondément raciste qui dénigrait ouvertement les personnes de couleur. Afin d’éviter de passer sous la coupe de la « One Drop Rule » (la règle de la goutte unique) et d’éviter que l’on découvre qu’elle avait une ascendance africaine, Belle Greene a donc dû mentir sur ses origines, et ce durant toute sa vie. Par ce biais, elle s’est construite des contraintes pour que son secret ne se découvre pas et mette à mal un parcours professionnel exceptionnel qui a fait sa renommée.

Nicolas Antona s’est donc appliqué à retracer cette destinée avec grâce, selon une structure linéaire bien ajustée. Le récit se veut prenant dès le départ et nous éclaire judicieusement sur cette bibliothécaire au caractère et à l’érudition affirmés. Son ascension sociale est impressionnante et les relations qu’elle entretient avec les hommes (surtout avec les plus grands) démontrent pleinement sa volonté d’agir en précurseuse, en femme libérée, se dégageant de toute contrainte qui pourrait nuire à sa condition.

Nina Jacqmin accompagne généreusement son scénariste dans une partition graphique doucereuse et abondante où la féminité a toute sa place. Son travail reste des plus soignés, représentatif de l’époque traitée (les nombreux décors en attestent tout comme les pleines pages) et met en exergue des personnages (en particulier Belle et J.P. Morgan) forts caractériellement parlant. La colorisation réalisée renforce le côté doucereux du trait et lui donne un côté fortement prégnant.

Une très belle mise en avant d’un personnage charismatique du début du siècle dernier on ne peut plus instructive et très efficace.

Par Phibes, le 26 janvier 2025

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