Les Fantômes du Mont-Blanc

Bernie le bouvier bernois vient d’entrer dans la vie d’un vieux monsieur, Walter Weiss, horloger à Saint-Gervais-les-Bains. Il ne peut pas parler, mais il est le témoin d’étranges phénomènes. Une nuit, il voit ainsi débarquer une belle jeune femme et son chien, qu’il avait vus sur une photo en noir et blanc ! 

Cette femme ne comprend pas ce qu’elle fait là et ne se souvient pas de son nom.  Elle se met en quête de ses souvenirs, qui reviennent par bribes. Il est alors question de réfugiés juifs rassemblés au pied du Mont Blanc par les Italiens durant la Seconde Guerre Mondiale…

Par legoffe, le 20 octobre 2024

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Notre avis sur Les Fantômes du Mont-Blanc

Grâce à un scénario très original, Phicil évoque un épisode méconnu de la Shoah avec délicatesse, poésie et amour, au coeur des montagnes, dont l’aura spectaculaire dégage autant de merveilleux que de tragique. 

Car, s’il est poignant, cet album n’a rien de larmoyant. En premier lieu, il est raconté de manière décalée puisque le narrateur n’est autre que… le nouveau chien de l’horloger ! C’est lui qui va être le témoin privilégié des événements fantastiques qui se déroulent ici sans que les vivants n’en aient conscience. 

Il voit ainsi apparaitre, dans la maison, une jeune femme amnésique, qui ressemble à s’y méprendre à celle qu’il a vu en photo sur le mur, mais dont le cliché a plus de 50 ans ! Est-ce un fantôme ? Une vue de l’esprit ? Une voyageuse dans le temps ? Une chose est certaine, c’est bien la fille de la photo puisqu’elle va se remémorer rapidement, grâce à une étrange boutique voisine, un épisode de son enfance. Le lecteur comprend alors qu’elle fait partie d’une famille juive condamnée sans cesse à fuir l’oppression. 

La bande dessinée va évoquer, à travers le destin de cette femme, l’arrivée en masse de Juifs au pied du Mont-Blanc, à l’initiative des autorités italiennes, débordées par l’afflux de ces populations fuyant la France occupée par les Nazis. 

Si l’Histoire est le socle de cet album, Phicil raconte surtout une belle romance, pied de nez à l’intolérance et à l’obscurantisme. L’héroïne est un modèle de persévérance et de détermination, accompagnée d’animaux attachants, en particulier Bernie, plein de bonhommie. 

Ils font des rencontres inattendues et ouvrent les portes de mondes parallèles dans le village de Saint Gervais. 

On reconnaît d’ailleurs très bien les lieux car le style graphique de Phicil, aussi mouvant et original soit-il, recrée parfaitement l’architecture locale. Il rend hommage aux grands hôtels et palaces caractéristiques de cette ville thermale, ou à sa très belle église baroque. 

Son dessin fourmillant renforce aussi l’aspect onirique du récit, qui plonge le lecteur dans l’Histoire par le prisme de l’émotion. L’auteur rappelle, de manière parfaitement imagée, la peur de l’oubli face au temps qui passe. 

Grâce à Phicil, le devoir de mémoire prend la forme d’un récit sinueux comme un sentier de montagne, empli de surprises et de générosité. Une véritable enquête autant qu’une ode à la vie et à l’espoir, qui ne manquera pas de vous happer. 

Et si vous souhaitez creuser cet épisode du passé, nous vous conseillons de lire La Montagne-Refuge, les Juifs au Pays du Mont-Blanc, Saint-Gervais – Megève 1940-1944, de Gabriel Grandjacques (éd. La Fontaine de Siloé).

Par Legoffe, le 20 octobre 2024

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